Poseur de papier peint pour certains, architecte de génie pour d'autres, le plasticien relève le défi de Monumenta avec "Excentrique(s): travail in situ", jusqu'au 21 juin. Inventeur incontesté de l'in situ, Daniel Buren s'est attaqué à la majesté du Grand palais, un lieu "mal utilisé" selon lui pour nous le faire voir autrement. Ne lui parlez pas de consécration, l'artiste s'en défend.
Pour accéder à l'œuvre immersive de Daniel Buren, il faut emprunter un cheminement quasi initiatique. De façon inhabituelle, l'entrée ne se fait pas par la grande porte du Grand Palais, mais sur le flanc Nord, comme si un sas était nécessaire pour se diriger vers ce que l'on perçoit comme un appel de la lumière. "Est-ce que vous rentreriez dans une cathédrale par le chœur ?", interroge l'artiste pour justifier ce changement. Richard Serra, précédent hôte de Monumenta en 2008, en avait eu l'intuition. Pour Daniel Buren, cela s'imposait. Homme de caractère, réalisant ses œuvres comme des tours de force depuis plus de 50 ans, il a su une nouvelle fois se faire entendre. Et toujours, à sa manière. Provocatrice. "Je déteste cette entrée 'pompier', grandiloquente, avec cette lourde colonnade et ses affreux angelots." C'est donc par l'entrée secondaire que le visiteur est invité à pénétrer dans l'antre de ce palais construit en 1897, à l'occasion de l'Exposition Universelle, "un monument consacré par la République à la gloire de l'art français", comme l'indique l'un de ses frontons. Une ironie qui ravit Daniel Buren qui, à 74 ans, continue à s'insurger contre l'art officiel, le système du marché et la glorification sous toutes ses formes.
Buren au Grand Palais, sonne à la fois comme une évidence, et une contradiction. "Excentrique(s) : travail in situ", est une synthèse magistrale de son travail. Dans l'espace public, Daniel Buren ne laisse jamais indifférent, on l'aime ou on ne l'aime pas. On est de son côté ou bien du côté de ses ennemis, de ses détracteurs, de ceux qui le considèrent comme un designer d'intérieur, lui reprochant son outrecuidance décorative. A cette guerre des tranchées, en bandes alternées, Daniel Buren a introduit de la nuance. Pas de bandes mais des piliers carrés plantés sur toute la surface. Leur largeur ? 8,7 cm... évidemment. Peints, un côté noir, un côté blanc, ces mats ou plus exactement ces bornes, dessinent des lignes jusqu'à créer un courant imaginaire. Le visiteur déambule dans une clairière, emprunt de sérénité, pris comme un champ magnétique dans un circuit fermé. En physique : un objet passif ne peut que s'opposer à une variation. Ici, le visiteur est plongé dans un flux agissant baigné par la couleur, englobante et joyeuse. Daniel Buren n'a pas "fait une installation", il a produit une oeuvre. En effet, l'artiste exècre ce terme qu'il réserve à l'étalage de marchandises. Ce n'est pas non plus "une exposition". Daniel Buren n'expose pas, il révèle un lieu, montre une œuvre. Il pourrait cependant faire sienne l'affirmation de son complice, l'architecte Patrick Bouchain, selon laquelle "Exposer, c'est s'exposer". (Crédit Photo : Alexia Guggémos)
Découvrez en images les croquis évolutifs de son projet. Ils révèlent notamment son formidable talent de dessinateur.