Deux exemples pour mettre en lumière ce changement. Auparavant, la parole du Chef de l’Etat dès lors que son élection était effective devenait immédiatement sacrée, précieuse et toutes les circonvolutions des médias n’étaient pas toujours suffisantes pour recueillir les propos du premier personnage de l’Etat.
Depuis dimanche soir, nous n’assistons pas tout à fait à ce même schéma. En effet, l’époque évoluant, les habitudes se modifiant et la promesse d’un personnage « normal » étant portée en étendard depuis de longs mois, les deux premières prises de parole (hors allocution à Tulle puis à la place de la Bastille) du nouveau Chef de l’Etat furent données à des médias que l’on peut qualifier d’alternatifs tant ils n’ont pas la résonnance que peuvent avoir un TF1, France 2, RTL ou encore Le Monde, etc.
En effet, la première déclaration micro a été faite à la web TV « La Télé Libre » (Média citoyen, Indépendant et Participatif, crée depuis 2007) gérée par John Paul Lepers. Connue pour son appétit du monde politique et ses projets engagés, cette web TV n’est pas pas soumise aux règles du CSA, elle se singularise ainsi par une liberté totale de ton et un esprit d’indépendance vis-à-vis du pouvoir. Malgré le travail fourni par « La Télé Libre », son audience reste réduite et cela singularise d’autant plus la parole de François Hollande que de la porter via ce média alors que le tumulte de tous les autres médias étaient prêts et avides de recueillir cette même déclaration.
Le second exemple, est la première interview écrite donnée par François Hollande au site internet slate.fr. Nouvel exemple d’un changement de style puisque là encore « Slate » (dans sa version française) est un site qui existe seulement depuis 2009 et dont le modèle de pure player ne lui assure pas non plus une visibilité très importante pour le grand public (même si la diffusion et la reprise de l’article dépasse largement le cadre des habitués du site) en dehors d’internet.
En deux prises de parole, le principe de l’exclusivité accordée aux grands médias dominants s’est retrouvé sympathiquement mis de côté pour des déclarations plus spontanées (notamment pour « La Télé libre »), moins solennellement préparées, sans établir dès le départ une distance entre la fonction élective et le peuple.
Ces deux exemples qui, s’ils venaient à être suivis de nouveaux modèles, apportent sans nul doute un aspect moins solennel et beaucoup plus accessible de sa parole. S’adresser également à des médias de niche qui ne font pas partie du sérail traditionnel des instances médiatiques, c’est afficher une volonté de proximité, établir une cassure avec une hégémonie diablement ancrée et mettre à mal une « monarchisation de la parole » que les principes de la Ve République n’ont pour l’instant jamais su mettre en défaut.