[anthologie permanente] Valérie Rouzeau

Par Florence Trocmé

Il est quelle heure je suis heureuse il y a un arbre 
La guerre le nucléaire heureuse il y a un arbre 
Ce mille milliardième oiseau éteint un arbre 
Une promesse de forêt d’oubli de je m’en vais 
Quelle heure du soir comme du matin 
Un arbre dressé franc qui remplit mes deux yeux 
La page le paysage la fenêtre aussi bien 
Un humain par seconde meurt il y a un arbre 
Où la fille à l’escarpolette en l’air s’envoie 
La joie en quels temps pays de vivre quoi 
Il y  a un arbre n’empêche pile juste ici 
Levant couchant il tient en embranchement 
La lune et le soleil le soleil et la lune 
Un arbre un arbre voyageur impeccable. 
 

 
Non je ne reviens pas vers vous je viens c’est tout 
Je ne vous dirai rien autour d’un verre à pied 
Ne suis pas très causante encore moins conviviale 
Quand vos paroles sont tellement toujours les mêmes 
Interchangeables et creuses formules des tics en toc 
Vive les chiens éperdus les chats égratignés 
Les âmes errantes les fantômes distingués 
Le sourire à l’envers de la lune dans ma tasse 
J’ai l’amour spontané de mon prochain sauf quand  
Mon prochain s’intéresse de trop près à mon goût 
À ma personne gentille et froide et solitaire 
Alors là je m’éloigne à grandes enjambées 
Du buffet dînatoire où j’étais conviviée 
Et je rentre chez moi savourer mon congé. 
 
 
Valérie Rouzeau, Vrouz, Editions La Table Ronde, 2012, p.32 et 156. 
 
[Choix d’Ariane Dreyfus] 
 
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