Ça faisait longtemps que je n’étais pas aller voter. La dernière fois, c’était pour Chirac je crois (ou contre Le Pen, je ne sais plus). J’avais zappé Sarkozy/Royal en 2007. Il faut dire qu’on habitait Pittsburgh à l’époque, et qu’on ne trouvait pas de bureau de vote à moins de 400 kilomètres à la ronde. Cette année c’est différent. Le consulat a aménagé pas moins de 10 bureaux de vote dans la « circonscription de Los Angeles » (qui s’étend de Denver à Los Angeles tout de même) dont quatre à Los Angeles et ses environs. Avec un « bureau » à Newport Beach, il aurait été inexcusable ne pas se rendre à l’urne ce week-end et de donner aux enfants une petite leçon de civisme.
Bon d’accord, côté decorum, c’était pas vraiment ça. Un drapeau noué sur une branche et une feuille A4 collée sur un tronc d’arbre signalaient l’entrée du petit appartement en bordure de l’aéroport, provisoirement transformé en bureau de vote par le consulat. Et je ne parle pas de « l’isoloir » en carton avec sac poubelle en guise de rideau. Mais il y avait quelque chose d’émouvant à glisser son bulletin dans l’urne (en vrai plastique transparent celle là) et de s’entendre dire « a voté ». La République est si éloignée de notre quotidien.
Alors pourquoi on vote ? Les enfants ont le chic de poser les vraies questions. C’est vrai qu’après toutes ces années hors de France, on n’est sans doute pas les mieux placés pour juger des actions et des projets des uns et des autres. A juste titre, certains questionnent le droit des français de l’étranger à exprimer leur voix dans une élection qui les impacte peu. A part Yannick Noah venu chanter sa joie d’exilé fiscal aux Etats-Unis dimanche soir Place de la Bastille (François n’est vraiment pas rancunier pour l’avoir invité !), rares sont en effet les « expatriés-pour-de-vrai » susceptibles de bénéficier et/ou de souffrir des politiques intérieures de la France (puisque non, on n’a pas droit aux allocs je vous dis !).
Reste la politique étrangère qui, c’est vrai, peut rendre la vie des français de l’étranger plus ou moins difficile (les français à New York en 2002 en savent quelque chose). Mais surtout, en votant ce week-end, c’est à la France que j’aimerai retrouver que j’ai pensé —si on devait un jour rentrer au pays— , à celle où vivent les copains et la famille, et à celle dont j’essaye de transmettre quelques valeurs à mes enfants. C’est sans doute cet attachement futile qui rend ce vote des expatriés si important, quand toute leur réalité leur crie qu’ils devraient en avoir tellement rien à foutre.
Résultat du vote ? Dans leur ensemble, les français d’Amérique ont choisi Sarkozy à 61,3%*. Mais les divisions sont profondes entre les bobos de San Francisco (Hollande 52%), les geeks de la Silicon Valley (Palo Alto, Sarkozy 62%) et les show-off de Los Angeles (Sarkozy 67%). Quant à New York, qui représente l’essentiel des 93 000 électeurs français d’Amérique, elle regrettera Sarkozy à 61,5% (ça ne compte pas Yannick Noah).
Hollande fait son meilleur score à la Nouvelle Orléans (59%) et à Berkeley (57%). Sarkozy à Las Vegas (82%) et à Miami (80%)**. Ça ne s’invente pas.
Les 530 français qui se sont traînés de la plage jusqu’à l’isoloir en carton de Newport Beach l’ont fait pour La France Forte à 70,5%. Faut dire que sur la plage de Newport, y a pas de pavé !
* Ne pas confondre avec les français du Canada, qui ont choisi Hollande à 55% (bah oui, c’est pas facile d’avoir un rendez-vous chez le médecin au Canada
** Oui, j’ai rien d’autre à foutre que d’éplucher toutes les stats.