A tous les ouvriers qui pestent contre la pénibilité de leur métier, à tous les cadres qui pleurent contre le stress de la vie de bureau, à tous les employés de France Télécom qui veulent mettre fin à leurs jours à cause des cadences infernales, on a envie de leur demander de relativiser un peu. Leur situation n’est rien à côté du plus difficile de tous les métiers : reine de beauté.
Comment ça n’importe quoi !?! Bon attention, hein, on ne parle pas des cruches qui défilent en maillot de bain, le sourire crispé, pour faire grimper les audiences de TF1, et gagner le droit de devenir Mis France avant d’être exhibées comme des bêtes de foire dans de nombreuses manifestations publiques. Ni de leurs nouvelles concurrentes, les Miss “Prestige National”, qui font à peu près la même chose, mais pour faire plaisir à une vieille dame qui travaille du chapeau. Non, là, on parle d’une reine de beauté au Mexique, ce qui, à en croire Miss Bala, le nouveau film de Gerardo Naranjo, est loin d’être une partie de plaisir…
Laura Guerrero va l’apprendre à ses dépens.
Cette jeune mexicaine rêve de participer à un concours de beauté régional, dans les environs de Tijuana. Elle est jolie, elle possède un corps de rêve, des jambes interminables, un sourire enjôleur et, ce qui ne gâte rien, est loin d’être idiote. Bref, elle possède tout ce qu’il faut pour remporter la couronne mise en jeu. Seulement voilà, au Mexique, où la corruption est répandue dans tous les secteurs de la vie quotidienne, ses espoirs sont bien minces…
Une de ses amies, Uzu, l’invite à une soirée dans une discothèque, où elles sont susceptibles de rencontrer quelqu’un pouvant leur donner un coup de pouce.
Sur place, les deux jeunes femmes assistent à un sanglant règlement de compte entre gangs rivaux. Uzu disparaît et Laura, qui a réussi à s’enfuir par miracle, tente de demander de l’aide à la police. Mauvaise idée… Les flics sur qui elle tombe sont eux aussi corrompus, et de mèche avec le cartel de narcotrafiquants responsable du massacre de la boîte de nuit. Elle devient en quelque sorte l’esclave du chef du cartel et est obligée de rendre des services humiliants ou dangereux à ses ravisseurs. En échange, elle se verra offrir la couronne de reine de beauté tant espérée…
Mais à quel prix?
Plus qu’une ascension vers la gloire, le film décrit une véritable descente aux enfers.
Laura perd son innocence : elle prend conscience que son pays est corrompu jusqu’à la moelle, que ses rêves de gloire et de richesse ne sont qu’un leurre. Elle est prise au piège. Ses perspectives d’avenir se limitent à accepter de devenir la femme-objet d’un groupe d’individus ignobles, de devenir la complice de leurs actes criminels, ou de refuser son destin et mourir. Et son cadavre ira alors pourrir dans le désert, avec ceux de toutes ces femmes qui disparaissent chaque jour au Mexique, victimes de gangs, de tueurs en série ou d’hommes violents… Elle choisit évidemment la première solution, et voit son âme souillée autant que son corps.
Quand enfin arrive le moment de son couronnement, la jeune femme semble perdue, l’oeil humide. Tout le monde met cela sur le compte de l’émotion. Mais ce trouble trahit un profond désarroi, une tristesse immense, teintée d’une honte rouge sang. Comment accepter un tel simulacre d’élection, achetée avec l’argent de la drogue? Comment célébrer la beauté quand tout, autour, est d’une laideur repoussante? Comment devenir ambassadrice de la paix dans le monde, la justice et l’amour, tout en ayant en tête des images de violence, de meurtre, de viol?
Miss Bala est un film-choc qui rend compte de la situation peu réjouissante dans lequel se trouve aujourd’hui le Mexique. Le cinéaste dénonce la corruption des autorités et la violence qui pourrit la vie des habitants des villes mexicaines, déjà minée par des conditions économiques difficiles et un contexte social compliqué.
C’est aussi un thriller entraînant, très efficace en dépit de quelques longueurs malheureuses (un quart d’heure en moins n’aurait pas nui).
Gerardo Naranjo parvient à maintenir au film un rythme nerveux, instaure une tension permanente. Grâce au talent de l’actrice Stéphanie Sigman – qui séduit autant par la qualité de son jeu que par sa plastique sublime – le spectateur s’attache à l’héroïne, s’identifie à elle et se retrouve plongé au coeur de l’action, découvrant un univers éprouvant régi par la violence et le crime.
Présenté à Cannes l’an passé dans la section Un Certain Regard, puis au Festival du film policier de Beaune, Miss Bala n’a remporté aucune couronne. En revanche, le film et son interprète principale ont gagné l’estime du public et séduit de nombreux critiques.
Et vous? Serez-vous sensibles à leurs charmes? Une seule façon de le savoir : vous déplacer jusqu’à la salle de cinéma la plus proche et découvrir cette élection de miss très spéciale. Mais croyez nous sur parole, le spectacle est plus excitant que les défilés de potiches en bikini ânonnant des inepties sur la paix sur terre…
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Miss Bala
Réalisateur : Gerardo Naranjo
Avec : Stephanie Sigman, Noe Hernandez, James Russo, Jose Yenque, Irene Azuela, Miguel Couturier
Origine : Mexique
Genre : G(reine) de violence
Durée : 1h53
Date de sortie France : 02/05/2012
Note pour ce film : ●●●●●○
contrepoint critique chez : Libération
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