Si la victoire de François Hollande était prévisible depuis juin 2011, elle marque cependant un tournant dans
l’histoire de la Ve République : jamais un homme sans expérience ministérielle, sans leadership personnel deux ans auparavant, n’avait réussi à se hisser dans la cour des grands
jusqu’à en devenir, lentement mais sûrement, le premier d’entre eux. Malgré ma déception, saluons l’artiste !
Quelle que soit l’éventuelle affinage des résultats (certains évoquent 52% ou même 53%), il est clair que la conclusion de cette très longue campagne
présidentielle est sans appel, ce qui constitue pour François Hollande, et plus généralement pour le PS, une belle victoire et rompt avec une sorte de malédiction républicaine. Une belle revanche pour… Ségolène Royal et Lionel
Jospin.
Saluons-la tout en la regrettant, puisque je considère qu’il
y a de quoi être inquiet sur l’avenir économique de la France. Espérons que le nouveau Président saura être assez pragmatique et ne pas faire trop de concessions à ses ailes gauchisantes qui
voudraient marquer encore plus leur apport à la victoire.
Rappelons à tout hasard, car la France est coutumière de ces retours de balanciers depuis une trentaine d’années, que la raison n’est pas tributaire
du nombre, sauf à reprendre une expression connue du socialiste André Laignel en 1981 : « Vous avez juridiquement tort car vous êtes
politiquement minoritaire. ».
La France, qui n’a jamais été autrement que démocratique, prend donc un tournant particulier avec l’élection de François Hollande. Nul doute que bon
nombre d’électeurs qui ont cru de bonne foi que Nicolas Sarkozy était le responsable personnel de leurs malheurs verront très rapidement que c’était une erreur de diagnostic et qu’au contraire,
il avait réussi à tenir le pays la tête hors de l’eau grâce à ses réformes courageuses.
Je pense en effet que l’échec de Nicolas Sarkozy est injuste quand on regarde le bilan globalement
positif (bien que contrasté) qu’il laisse aux Français après quatre ans de dures crises financières mais il est incontestable que sa pratique présidentielle et ses stigmatisations ont pris l’ascendant sur les programmes politiques dans le choix des Français, puisque la
gauche n’avait recueilli que 43% au premier tour du 22 avril 2012.
Nicolas Sarkozy, qui a pris la parole très tôt à la Mutualité (à 20h22) a téléphoné sportivement à François Hollande pour le féliciter et a déclaré : « J'ai essayé de faire de mon mieux pour protéger les Français. ».
Celui qui a tant raillé le tandem Sarkozy-Merkel va probablement, de son côté, téléphoner dès cette nuit
(du 6 au 7 mai 2012) à Angela Merkel et ira la rencontrer d’ici dix jours. Son plan pour une relance de la croissance va être âprement négocié avec Allemagne. Après tout, si François Hollande réussissait à
convaincre la chancelière, ce serait probablement un geste fondateur encourageant de son quinquennat mais qui ne devrait sans doute pas l’aider à préserver des alliés qui vont devenir assez encombrants.
Lorsqu’en début janvier
2010, François Hollande avait refusé de prendre la succession de Philippe Séguin à la première
Présidence de la Cour des Comptes comme le lui avait proposé Nicolas Sarkozy, il avait évidemment en tête
que son destin était ailleurs. À l’époque, il y croyait déjà très fort (et il rasait ses amis socialistes tout obnubilés par la popularité de Dominique Strauss-Kahn) mais personne n’aurait misé un seul sou sur sa victoire deux ans plus tard. Ses deux
principaux alliés furent Dominique Strauss-Kahn et Nicolas Sarkozy eux-mêmes qui firent tout pour se mettre des bâtons dans les roues.
Je suis déçu, mais j’admets que dans cette campagne 2012, celle de François Hollande a été l’événement.
L’événement dans la durée, la fréquence, la densité. Contrairement aux autres candidats (y compris Eva
Joly), François Hollande a dû passer par deux filtres éprouvants du suffrage universel direct à deux tours, ce qui fut rude. La primaire socialiste n’a pas été une formalité, et l’élection elle-même où il s’est forgé une image de clone de Mitterrand un peu inquiétant, avec une voix complètement cassée à force de viser plus haut qu’il n’en est
capable. Au point peut-être d'imiter jusqu'à son score d'élection (François Mitterrand avait gagné le 10 mai 1981 sur Valéry Giscard d'Estaing avec 51,76% des suffrages exprimés).
Chapeau l’artiste, et maintenant, au travail !
Aussi sur le
blog.
Sylvain Rakotoarison (6 mai
2012)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
Bilan de Nicolas Sarkozy.
L’impopularité présidentielle.
Mon vote du second
tour.
Premier tour
de l’élection présidentielle.
La logique présidentielle du PS.
Clone de Mitterrand ?
Trois raisons de voter Hollande.
Trois raisons de ne pas voter Hollande.
Hollande candidat
dès janvier 2010.
http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/hollande-nouveau-president-de-la-116283