Comment, se demandait-on récemment, repenser le système qui donner à des acteurs puissants des raisons si pesantes d'agir contre l'intérêt des plus démunis? Il s'agissait des incitatifs liés aux brevets sur les médicaments. Je vous ai dit que je vous en reparlerais. La vidéo qui ouvre ce message, c'est cette occasion d'en reparler. Thomas Pogge, un philosophe politique qui est assez exceptionnel dans son mélange d'intelligence et d'activisme, y détaille sa version de comment des règles humaines, faites de choix humains, pourraient être changées pour que l'intérêt des malades qui ont la poisse de vivre dans des pays démunis ne soit plus si systématiquement négligé.
Je vous en parlais en fait déjà il y a trois ans. Mais l'idée a fait son chemin depuis. Actuellement, un nouveau médicament est breveté, la plupart du temps par une firme pharmaceutique, avec une date limite. Pendant ce temps, le fabricant a un monopole sur la vente de la molécule, et peut en déterminer le prix. Le problème c'est que ce système promeut surtout la recherche industrielle sur des maladies qui touchent des personnes aisées, ou vivant dans des pays qui couvrent bien les traitements. Il est actuellement plus profitable pour une boîte pharmaceutique de lancer un programme de recherche sur la calvitie masculine, que sur la trypanosomiase...La faute aux firmes? Pas vraiment, en tout cas pas seulement, car elles ne font 'que' suivre leur intérêt dans un système décidé par d'autres, et modifiable.
Et c'est justement cela l'idée de Pogge. A la base, le Health Impact Fund qu'il défend est relativement simple. En plus du système des brevets habituels, un fabricant peut en choisir un autre. Ce brevet 'type B' ferait rémunérer la firme par un fonds international à la mesure de l'impact de sa molécule sur le fardeau mondial de maladie. En d'autres termes, il devient tout à coup dans l'intérêt de l'entreprise de 1) faire de la recherche sur les maladies orphelines des pays pauvres, 2) s'assurer que les patients ont accès au médicament et 3) mesurer l'impact.
En plus pour les substances enregistrées dans le HIP, les prix seraient plus bas pour tout le monde. Cela signifie que financer le pot commun pourrait être dans l'intérêt des états industrialisés. Sur les plus de 4 milliards dépensés par la Suisse chaque année en médicaments (rien que pour la médecine ambulatoire) un investissement dans le fond international pourrait être très rentable s'il se soldait par des prix plus bas à l'usage. De son côté, le fabricant y gagnerait quand même, car il verrait s'ouvrir des possibilité de vendre l'impact là où vendre le médicament lui-même aurait été impossible.
Pas mal, non?
Reste à prouver que ça peut être rentable. Car c'est là l'objectif: utiliser des incitatifs financiers au service des plus démunis. Mais du coup ces incitatifs doivent être réalistes. Pogge cherche en ce moment à réaliser une expérience pilote. Si vous connaissez quelqu'un dans l'industrie pharmaceutique, envoyez-lui sa conférence...