Dans quelques heures, quoi qu’il arrive, nous aurons donc une nouvelle dose de socialisme en France. Il sera assumé, joyeux, bondissant, ou au contraire larvé, nationaliste et sécuritaire, mais la liberté reculera encore une fois dans le pays. Parallèlement, la situation économique et financière se fait plus catastrophique à mesure que l’État s’enfonce dans une dette colossale. Mais si les temps s’annoncent difficiles, ils seront aussi remplis de paradoxes. Des paradoxes, un dimanche maussade, des élections pourries ? C’est le moment rêvé pour quelques réflexions décousues et surtout, quelques crêpes au sucre.
Des temps paradoxaux, puisque d’un côté, l’Etat va encore accroître son emprise, mais de l’autre, on ne peut que constater (et je l’ai fait plusieurs fois dans ces colonnes) que le marché et la puissance de la liberté se sont installés d’une autre façon : l’individu prend aujourd’hui le pouvoir chaque jour un peu plus, se détache un peu plus de la mélasse administrative que lui impose l’Etat.
Ainsi :
- Avec internet, le câble, des flux en podcasting, on peut maintenant se passer complètement de télévision nationale, et obtenir les nouvelles par agrégation de flux RSS. La musique se passe de CD ou des radios, via les flux MP3. La centralisation de l’information n’est plus de mise.
- L’achat d’un bien n’est plus nécessairement fait dans une boutique physique, mais peut l’être sur Amazon, eBay, dans un pays étranger, et surtout, sans payer de TVA. Les douanes s’exaspèrent, mais il sera bientôt totalement impossible d’empêcher cette réalité. Trop de volume, trop peu de douaniers.
- On n’a plus besoin de lire les journaux, les informations fournies par Google News, ou les blogs gratuits suffisent, d’autant que les lecteurs deviennent eux-mêmes reporters. La qualité abyssale de la presse française n’est que le distant reflet de cette réalité, coloré des subventions massives qui supportent leurs errances idéologiques mal boutiquées.
Et c’est exactement ce à quoi on assiste actuellement : la montée, forte, des pressions des extrêmes et les tentations délétères qui les accompagnent ; un système qui se rigidifie encore un peu plus, par la loi, par un politiquement correct qui étouffe absolument toute pensée alternative plus efficacement qu’une censure centralisée.
Normalement, les individus ont les moyens d’être généreux, ont l’envie et parfois le besoin de participer à la vie de la société de façon désintéressée, comme en témoignent les mouvements open source, les nombreux blogs qui expliquent, instruisent, commentent l’actualité ; les dons après les catastrophes, nombreux et spontanés, montrent là encore qu’il n’existe pas tant cet égoïsme caricatural que décrient régulièrement les parangons de vertus qui veulent ériger la fraternité en obligation légale minutieusement calibrée et répartie précisément dans toutes les strates de la société par une administration pointilleuse et tatillonne.
Cependant, même si ces impulsions généreuses existent, l’étatisation de la redistribution enlève aux individus toute satisfaction d’aider, principale récompense de l’acte généreux. Tous — à l’exception peut-être de ces élites qui, justement, ne sont que très rarement confrontées au monde réel — nous avons le sentiment de nous épuiser pour nourrir un système monstrueux que nous ne comprenons plus, qui est devenu endetté, inefficace, administratif, procédurier, incompréhensible, statique, attardé et qui place la répression et la punition des faibles et des honnêtes bien avant la correction de ses propres erreurs.
La conséquence est évidente : privés de liberté d’action, comme les rats de Laborit, on déprime et/ou on attaque. C’est évidemment d’autant plus facile que cette attaque sera supportée par un nombre croissant de personnes, qu’on retrouvera au début dans les partis extrêmes. D’années en années, les crispations se faisant plus fortes, les absences de solutions toujours plus criantes, l’extrémisme de ces partis n’est plus un problème, d’autant qu’ils rassemblent progressivement plus de monde. Adoubés du soutien de la masse, certains attaquent les étrangers, les patrons, les riches, le « système », l’autre … À mesure que la société se « brazilifie », les raisons d’exploser s’intensifient.
Les années qui viennent seront décisives : d’un côté, la technologie continuera à fournir à tous et chacun des moyens de se passer de l’État. De l’autre, chacun choisira en son âme et conscience, notamment en France, s’il veut plus ou moins d’État, s’il veut plus ou moins de redistribution, plus ou moins de solidarité forcée, obligatoire, calibrée. Chacun, par ses actes, ses votes, ses opinions, dirigera la partie de la société dans laquelle il agit vers encore un peu plus de cette sordide expérience sociale sous contraintes, ou, au contraire, l’aidera à se libérer.
Et comme le marché et la réalité finissent toujours par avoir le dernier mot, soyez assurés d’une chose : attachez vos ceintures, il va y avoir du spectacle.