Magazine Société
Ca y est, c’est dimanche… Alors, qu’est-ce qu’on fait ? Oui, non, parce que, il faut bien le dire… Aujourd’hui c’est le second tour de cette fameuse élection présidentielle que tout le monde il en parle comme d’un truc important. Et, à bien considérer la place que ce sujet prend dans le concert médiatique par rapport à la dernière coupe de cheveux de Justin Bieber, la naissance du nouvel enfant de Britney Spears ou l’élimination de je-ne-sais-plus-qui à Koh-Lanta, ça doit être vraiment important. Bon alors, qu’est-ce qu’on fait ? Et si je poussais à mon tour une longue plainte déchirante pudiquement cachée sous ma prose approximative et mes blagues hasardeuses ? Voter aujourd’hui… Encore faudrait-il que je croie en un candidat… Ah, bien sûr, si j’avais cette hargne mordante des militants qui osent critiquer les programmes sans les avoir lus et conspuer les moins-bien-pensant qu’eux… Mais je n’ai pas ce courage. Après de longues années d’études, autant d’engagement auprès des jeunes, et un court passage en politique, je suis devenu à mon corps défendant le contraire d’un militant engagé. Une sorte de militant dégagé, sorti du jeu politique par lassitude et indignation. Toute façon, je ne peux pas être engagé politiquement : à part la droite, sa carte du monde simpliste, ses trahisons et ses privilèges, il n’y a rien au monde que je méprise autant que la gauche, et ce parti gluant d’humanisme chambourcy bien moins socialiste que le chien de ma grand-mère qui cède sa pâtée au chat errant. Ah si l’on avait une vraie gauche ! Vous me direz, Mélenchon ! Un tribun, certes, mais une sorte de nostalgique du lampadaire au gaz (de France, je vous l’accorde, pas celui des oligarques russs) au temps de l’ampoule basse consommation, éclairant notre avenir avec la lueur rouge du feu de recul d’un improbable convoi emportant les curés au Goulag ? Arthaud, qui prépare la révolution en formant des générations d’élèves au bac d’économie en usant le pavé à coup de théories auxquelles le monde libre a renoncé en 1944 ? Qui va lui rappeler que la lutte des classes n’est pas un challenge de salle des profs ? Et Poutou, le porte-parole de la lutte ouvrière déjà retourné dans le silence fracassant des ateliers de son usine... Ne parlons pas d’Eva Joly et des Verts, non…n’en parlons pas. Après avoir dépavé les rues, ils voudraient nous faire rouler en vélo sur du sable… Cela dit les pavés, à vélo… Et la droite ? Il ne s’agit pas ici d’accorder un quelconque crédit à ces gens-là. Quoique, si dans notre pays aujourd’hui quelqu’un peut prétendre à bénéficier d’un crédit, ce sont bien les gens de droite, nantis des prêts intéressés que leur font les établissements bancaires avec l’argent-même de leurs impôts qui a servi à renflouer leurs caisses et à garnir le portefeuille de leurs dirigeants. Mais attention, je parle là de la droite normale, celle dont le cœur penche à gauche et pourrait se laisser aller à voter au centre, si tant est que le centre existe, c’est-à-dire qu’il soit représenté par des gens de droite mais contribuables, pas nichés dans les paradis de la fiscalité des nantis. Je ne fais pas non plus allusion à l’entreprise familiale qui espère le moment où elle récoltera les fruits de son investissement dans un stock d’anciens wagons à bestiaux de la SNCF, celle dont l’idéal se résume au contrepied du rêve américain : rouler vers l’Est, nach Berlin. Oui, comprenons nous bien, je ne parle ni de la droite dont le train de vie fait que les problèmes de la France lui sont étrangers, ni de la droite qui pense que les étrangers sont le problème de la France. Ni de gauche ni de droite. Ni rouge, ni bleu, ni blanc, ni noir. Enfin, rouge et noir, un peu... mais avec un brin de muguet à la boutonnière. Soyons raisonnables ! « Qu’on soit de gauche ou de droite, on est hémiplégique » prêtait Pierre Desproges à Raymond Aron. Pas si dégagé que ça, le militant… En effet, comme disait encore Desproges, cela ne veut pas dire que je ne ressens pas les problèmes de mon époque avec la même acuité de cœur que n’importe quel pourri de gauche ou de droite qui se précipite à la télé chaque fois qu’un drame social lui permet de montrer son émotion à tous les passants. Dégagé oui, indifférent non. Les injustices sociales me révoltent ! Et pas que celles-là : vous avez vu comment le RCT a été arbitré hier ? Soyons sérieux… La République française est malade. Elle souffre d’une carence lourde, elle souffre d’un manque de démocratie, cette idée inconsciente et généreuse qui jadis confia le pouvoir au peuple contre une élite qui l’avait confisqué. C’est ainsi que nous avons assisté pendant de longues semaines à ce fastueux théâtre, dans lequel au moins 40 millions d’euros auront servi à recueillir les suffrages de ceux qui seront aussitôt méprisés. Qui a les solutions de nos problèmes, nous qui n’avons souvent été que spectateurs de la campagne désormais achevée ? Elles existent sans doute, mais voici que plutôt que de les chercher, nous préférons les attendre de ceux qui nous les promettent. Dans notre France d’aujourd’hui, comme dans celle de Pierre Desproges qui nous manque tant, les enfants croient au Père Noël. Et les adultes ? Ils votent. Ils votent comme on supporte une équipe sportive lorsqu’elle donne l’habitude de gagner, ils votent et font la fête, ivres d’un bonheur éphémère. Mais dans la vie comme dans le sport, l’important n’est pas tant de gagner. L’important, c’est de participer, participer en citoyen, en groupe, en association, en mouvement, oui participer à la vie publique, pour faire gagner tout le monde, faire progresser le bien commun. Elle est là, la dignité du citoyen : un devoir qui ne se réduit pas à glisser si peu souvent un bulletin dans l’urne. Je vous laisse, il y est temps d’y aller. Votez bien les amis, votez bien. Mais demain ne sera pas mieux qu’hier si vous vous en contentez… Texte écrit vendredi soir dans le train pour être partagé, en écoutant une nouvelle fois Pierre Desproges me dire à l’oreille son improbable texte « je suis un artiste dégagé ». Et j’ai acheté le disque, c’est pas du piraté ;). Evidemment, tout n’est pas raisonnable…