Pitch.
Le réalisateur Jonathan Caouette raconte son trajet Houston-New York en compagnie de sa mère qui souffre de troubles mentaux sévères depuis son enfance. L'occasion de retours en arrière déconstruits, rêves et souvenirs.
Ce film représente un peu tout ce que je fuis au cinéma, le nombrilisme, la maladie, le "et moi, et moi et moi" système. Pourtant, le type est doué, un véritable artiste et le film est une oeuvre d'art plus qu'un film de cinéma à proprement parler. Très vite, j'ai adoré ce film, touchée, et le mot est faible, par la générosité immense du narrateur qu'il n'a d'égale que son talent. Film autobiographique, réalisé pour une grande part à partir des films et photos que réalise et prend le cinéaste depuis son enfance, "Walk away Renée" est sans doute (car je ne l'ai pas vu) le complément de son précédent film "Tarnation", présenté en 2004 au festival de Sundance et à la Quinzaine des réalisateurs à Cannes , dont le sujet est aussi Renée, sa mère.
photo Ufo distribution
Ode à sa mère, Renée, femme enfant qui souffre de troubles mentaux depuis l'adolescence et dont Jonathan Caouette ne se lasse pas de retracer la genèse de la maladie, pour comprendre encore et encore pourquoi "on en est arrivé là, à ce voyage dans l'Amérique profonde, entre Houston et New York, où il ramène sa mère, 58 ans, qu'il a soustrait à une maison de soins spécialisée. Un road movie qui démarre par la perte des médicaments de Renée... De ce voyage réalité, on décolle pour des flash-backs, des souvenirs, des moments imaginaires avec un montage brillant, inventif, musical, parfois psychédélique.
Renée souffre de schizophrénie maniaco-dépressive, une maladie qui se serait révélée quand, adolescente, elle tombe du toit de la maison familiale. Paralysie, psychose, électrochocs, la vie de Renée devient un chemin de croix qui n'a pas cessé à ce jour, pourtant troué de quelques périodes de bonheurs. En 1972, Renée se marie avec Steve Caouette qui la quitte après la naissance de Jonathan. Incapable de s'en occuper, il sera élevé en grande partie par ses grand-parents qui l'adoptent. Avec une bonne volonté et un sens du sacrifice jamais démentis, Jonathan Caouette va passer sa vie d'adulte à l'interrompre pour voler au secours de Renée, sa mère, son enfant inversé en quelque sorte, devenu le père de sa mère.
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C'est un film empreint de la perception des choses, le réalisateur a du génie pour traduire en images, en sensations, en montage, en art, le quotidien lugubre d'une enfance traumatique, d'une vie de couple sans cesse interrompue par les SOS de Renée, et, également, le don pour (dé)construire un chant d'amour à cette femme victime de la machine psychiatrique. Les photos de Renée qui fut autrefois d'une telle beauté, sa déchéance, ponctuelle, relative car, étonnamment, Renée conserve une peau de pêche, de longs cheveux, des envies de séduction. Cette joie qu'elle a, édentée, quand son fils lui fait faire à grand frais une prothèse dentaire, ce sourire retrouvé, quelle émotion.
Si "Tarnation" était un documentaire, "Walk away Renée" est une fiction documentaire avec des éléments rêvés, fantasmés, un cinéma à la fois vérité et hallucinogène, très moderne, sujet intemporel, une histoire filiale extrême mais universelle. Jonathan Couette revendique un mélange de naturalisme et de stylisation, ce qui définit bien ce qu'on ressent dès les premières images : maniérisme? authenticité? A la Semaine de la critique l'année dernière au festival de Cannes, le film a été présenté sous une forme différente, "pas finie", il sort en salles aujourd'hui sous sa forme achevée.
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