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Épostracisme et politique (Roman Ondak)

Publié le 05 mai 2012 par Marc Lenot

Roman Ondak est un artiste insaisissable : on croit se promener dans un jardin et en fait c'est le pavillon tchécoslovaque à Venise (est-ce la seule chose tchécoslovaque qui subsiste au monde ?); on croit voir une file d'attente devant un musée et c'est une performance; on croit que des Skoda slovaques sont garées pendant deux mois derrière le bâtiment de la Sécession à Vienne, et c'est SK Parking. Mais dans un espace muséal bien circonscrit, c'est un peu plus difficile de ruser ainsi; c'est pourquoi son exposition au

Épostracisme et politique (Roman Ondak)

Roman Ondak, The Hill seen from afar, 2011

K21 de Düsseldorf (jusqu'au 28 mai) m'a semblé un peu trop convenue.

Convenu, le monticule d'herbe au sommet duquel trône un bonsaï : certes, cela met en cause la proportion et le rapport à l'oeuvre, le naturel et le fabriqué, le proche et le lointain,  on peut toujours invoquer Gulliver, ce n'est néanmoins pas très convaincant.

Épostracisme et politique (Roman Ondak)

Roman ONDAK, ECLIPSE, 2011

Convenue, l'installation au sol de poutrelles, tuiles et autres matériaux de construction récupérés d'une construction faite à Trente où Ondak avait fait une inversion du toit de la galerie en le reconstruisant à l'intérieur et tête en bas : certes, on met en rapport le passé et le présent, le haut et le bas, l'intérieur et l'extérieur, le fini et le déconstruit, mais, franchement, ça ne va pas très loin.

Épostracisme et politique (Roman Ondak)

Roman Ondak, Across that Place, 2008-2011

La troisième pièce de l'exposition, elle, m'a au contraire enthousiasmé, mais c'est parce qu'elle est le reflet, la documentation d'une action réelle, et, sans doute aussi, d'une action sinon politique, en tout cas ancrée dans le monde. Jusqu'en 1999, le territoire de part et d'autre du Canal de Panama était une colonie américaine au milieu de la République du Panama. Le canal divisait Nord et Sud, mais aussi coupait en deux cet état, cicatrice coloniale et économique. Cet endroit était comme suspendu entre deux mondes, pas vraiment partie des États-Unis non plus et, pour une part, seul endroit au monde où l'Océan Pacifique est à l'Ouest et l'Océan Atlantique à l'Est.  Comme

Épostracisme et politique (Roman Ondak)

Roman Ondak, Across that Place, 2008-2011

une célébration de la récupération de ce territoire, Ondak a organisé le 31 août 2008 à 15h, une réappropriation symbolique et ironique, une tentative absurde de rejoindre les deux rives en incitant des résidents de la Zone, devenus donc citoyens panaméens, à faire des ricochets avec des galets à la surface de l'eau du canal. J'ignore si quiconque a réussi l'exploit épostraciste d'atteindre l'autre rive, mais l'évènement est amplement documenté ici avec photographies, brochures, affichettes, articles de journaux, tableaux, dessins, cartes et plans, et des enveloppes où l'adresse (fictive ?) de Roman Ondak est Panamska 9, 82108 Bratislava. Cette prise de pouvoir du canal par les résidents de la zone, canal qui leur apporta des bénéfices économiques, mais les relégua au rang de citoyens de seconde zone, canal qui est une des frontières les plus symboliques entre deux mondes, me semble correspondre tout à fait au meilleur de Ondak : des actes discrets et fugitifs, mais qui s'inscrivent dans le lieu et le temps, une approche mêlant intelligemment politique et performance.

Photos courtoisie du Kunstverein NRW


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