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L'amour dure trois ans

Par Irreguliere

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J'ai beau savoir que l'amour est impossible, je suis sûr que dans quelques années, je serai fier d'y avoir cru. Personne ne pourra jamais nous enlever ça, à Anne et moi : nous y avons cru, en toute sincérité. Nous avons foncé tête baissée dans une muleta en béton armé. Ne riez pas. Personne ne se moque de Don Quichotte qui attaquait pourtant des moulins à vent comme un débile barbichu.

Il me fallait quelque chose pour ma deuxième catégorie du Challenge Amoureux, "livre dont le titre contient le mot amour ou amoureux", et mon choix s'est porté sur ce roman dont on a beaucoup parlé il y a quelques temps, suite à la sortie du film qui en est l'adaptation. Disons que le hasard m'a aidée : il était bien en vue en librairie l'autre jour. Je ne vous cache pas que j'étais un peu inquiète, connaissant le cynisme de Beigbeder, à l'idée que ce roman me plombe un peu le moral. Mais bon, dans la vie, il faut parfois être courageux...

Marc Marronnier, le narrateur, vient de divorcer après trois années de mariage avec Anne. Alors il réfléchit, et se persuade que de toute façon, c'était foutu d'avance car quoi qu'on fasse, le grand amour qui dure toujours est une grande escroquerie planétaire : l'amour dure trois ans, point barre. Il échafaude donc toute une belle théorie à ce sujet, et lorsqu'on lui demande pourquoi il est triste, il répond simplement : "parce que l'amour dure trois ans". Mais un de ses amis n'est pas dupe, et exige de savoir "comment elle s'appelle". Elle s'appelle Alice.

François Busnel, dans l'éditorial du numéro de Lire consacré aux grands romans d'amour, écrivait qu'un grand roman d'amour est celui qui nous interroge sur le sentiment amoureux, sentiment qui est, comme je le dis toujours, le plus grand mystère de l'humanité. Et de ce point de vue, ce roman est un très grand roman d'amour, car des questions, je m'en suis posées des millions, à chaque page, bouleversée par ce narrateur-personnage qui me rappelle tant moi-même et celui qui m'est cher (ce qui du reste est un peu la même chose). Tout le début du roman apparaît ainsi comme une mise à mort du romantisme par un narrateur cynique. Mais s'il est cynique, c'est comme seuls peuvent l'être les vrais romantiques, ceux qui ont aimé à la folie et ont perdu ce qui leur était essentiel, ceux qui y ont cru le plus fort, les vrais malheureux qui doivent étouffer leur idéalisme et leurs illusions pour survivre, ceux qui ont tellement aimé qu'ils ne veulent plus aimer à nouveau de peur d'en mourir, qui ne veulent plus y croire parce qu'ils ne veulent plus jamais souffrir et se retrouver tout seuls à pleurer parce qu'ils ont tout perdu. Ceux qui ont mis l'amour au centre de tout mais que la réalité a frappés de plein fouet. Les vrais rêveurs, les seuls vrais romantiques. Car ce que pleure Marc finalement au début du roman, ce n'est pas tant la perte de l'être aimé que la perte de l'amour. Un peu comme quand, du jour au lendemain, le croyant perd la foi face à un événement marquant l'évidence que Dieu n'existe pas.

C'est vraiment, je le répète, un très grand roman, parfaitement maîtrisé, Beigbeder a réellement un style bien à lui, nourri par une grande culture littéraire qu'il n'étale pas mais qui est là, sans trop avoir l'air d'y toucher. Et c'est parfois aussi très drôle, au coeur même des réflexions les plus désabusées livrées d'une manière désinvolte qui bien souvent fait mouche. Un roman à offrir à tous les cyniques désabusés, déçus de l'amour, qui s'y reconnaîtront . Puisse-t-il leur apporter l'espoir (car oui, c'est un roman optimiste !).

Je n'ai pas encore vu le film et je vais attendre parce que, d'après ce que je sais, il est tout de même très loin du roman et je ne voudrais pas être parasitée, mais je le verrai, c'est sûr, espérant y retrouver l'émotion qui m'a submergée pendant ma lecture... 

Lu aussi par Marion, Géraldine

L'Amour dure trois ans

Frédéric BEIGBEDER

Grasset, 1997 (Folio, 2001-2012)

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