Elle indique qu' un des plaisirs de la lecture, dès les premières pages d’un grand livre, tient à la découverte d' un monde tout à fait nouveau, orienté par la vision intérieure fortement affirmée de l'auteur, l’esprit supérieur qui a forgé ce monde qui exige de nous toute notre sympathie.
Il faut alors se laisser aller à une lecture des plus naïves et des moins critiques possibles. Il faut lire sans se compliquer la vie, en s’abandonnant à l’influence de l’écrivain, sans effort, en sachant s’arrêter pour s’occuper ailleurs. Lire de façon cool en somme!
Elle affirme que le plaisir final le plus vif de la lecture vient ensuite de l’activité théorique consistant à sélectionner, classer, étiqueter les qualités communes d’œuvres diverses.
Survient alors la deuxième étape de la lecture: juger le livre sans l’avoir sous les yeux. Nous réagissons immédiatement comme dans une conversation, en affirmant très vite:
"j’aime, j’aime pas. J’ai aimé ceci et détesté cela".
Ce n’est qu’ensuite que se construit la critique plus élaborée grâce aux comparaisons avec les œuvres du même genre. Virginia Woolf insiste sur la nécessité d’avoir lu beaucoup pour mieux forger son goût. Un livre se compare toujours par rapport aux meilleurs mais aussi aux plus médiocres.
Cependant la lecture en soi doit rester une activité sans autre but que soi-même.
Du moins ai-je parfois rêvé que, à l'aube du Jugement Dernier, quand les grands conquérants, les législateurs et les hommes d'Etat viendront recevoir leur récompense, leurs couronnes, leurs lauriers, leurs noms gravés dans un marbre impérissable, le Tout-Puissant se tournera vers Pierre et dira, non sans une certaine envie, lorsqu'il nous verra arriver nos livres sous les bras: «Regarde, ceux-là n'ont pas besoin de récompense. Nous n'avons rien à leur offrir. Ils ont aimé la lecture.» (Virginia Woolf)