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"Tout à fait femme" de Barbara Polla

Publié le 04 mai 2012 par Francisrichard @francisrichard

Dimanche 29 avril 2012, au Salon du Livre de Genève, sur la scène du stand de L'Hebdo, Barbara Polla parle de son livre, Tout à fait femme. Christophe Passer l'interroge avec beaucoup de sympathie. Barbara est rayonnante. Elle n'est effectivement pas femme à moitié. Elle se veut - et elle est -, un être désirant et désirable, qui refuse d'être objet, mais accepte de devenir sujet.

Une heure plus tôt nous avons conversé à Genève, dans sa galerie, où va se refermer ce dimanche la fenêtre ouverte, depuis quelques jours, sur la vie d'un jeune homme, collectionneur d'art contemporain, Benjamin B. Lors de cet avant-propos Barbara me parle déjà en fait - je ne le sais pas encore - de la teneur de ce livre que je n'ai pas encore dévoré. Ce que j'ai fait la nuit dernière. 

La veille, samedi 28 avril 2012, Barbara m'a dédicacé ce livre sur le stand de Gallimard qui héberge les Editions Odile Jacob. Après bien des mois d'absence de contacts, nous sommes contents de nous revoir, mais elle fait une moue qui me semble dubitative quand je lui demande de me dédicacer son livre. Certes elle a aimé ce que j'ai dit ici de Victoire, livre indéfinissable, que je relis encore et encore, ou de l'oeuvre de Matt Saunders ici, mais que vais-je penser de ce livre, où elle se met à nu, sans le paravent pourtant parfois bien transparent de la fiction?

Barbara est tout à fait femme. Parce qu'elle le voulait bien, elle est devenue Mère avec un grand M - elle a eu quatre enfants, quatre filles -, "par pur plaisir", et vante les privilèges exclusivement féminins de la grossesse, de l'accouchement et de l'allaitement. N'est-ce pas un priviège que de transmettre la vie? N'est-ce pas un privilège que de mettre au monde dans cette "violence superbe, orgueilleuse et folle" qui s'achève "dans la paix"? N'est-ce pas un privilège que de "jouir du plaisir attendu de sentir ses seins se vider"?

Barbara est tout à fait femme parce qu'elle souhaite que tous ces privilèges "conduisent à tous les partages", c'est-à-dire d'abord à ceux de l'enfant et de la sexualité - "deux bonheurs liés" -, puis à ceux du travail et de la création.

Il s'agit pour l'homme et la femme de partager le corps de l'enfant dès après la naissance comme, dans leur corps à corps préalable, "l'homme donne son lait de vie" et "la femme donne l'enfant". Il s'agit dans la sexualité de se livrer, dans la lutte des corps, à "une violence mutuellement consentie", sans qu'il n'y ait ni agresseur ni victime, l'un pénétrant l'autre, l'autre absorbant l'un. Il s'agit dans le travail de partager les responsabilités financières et, pour les femmes, de parvenir par l'argent à la seule vraie autonomie. Il s'agit pour les femmes dans la création de modeler à leur tour le monde à leur image.

Dans ce livre j'ai retrouvé les propos que Barbara me tenait à Genève. Dans le passé, les artistes femmes ne représentaient pas le corps de l'homme comme les artistes hommes ont représenté tout aussi bien les corps des femmes que ceux des hommes dans tous leurs détails, même les plus imtimes. Elle souhaite donc:

"Que les artistes femmes s'intéressent de plus près aux corps des hommes et à leur pénis, non pas comme instrument de blessure, mais comme corps de joie."

Si Barbara est reconnaissante envers les féministes de gauche, son féminisme ne s'inscrit pas comme le leur dans la revendication. Il s'exprime dans la confrontation individuelle à ce qu'elle appelle le GPS, le Grand Plan Social, qui se définit comme stratégie de survie de l'espèce avec pour leitmotiv la procréation d'abord et l'injonction implicite: ma fille soit jeune, belle et fertile! Or les femmes devraient être libres pour elles-mêmes et pour le monde, et non pas pour le GPS.

Pour Barbara les femmes ne doivent exister ni par leur famille, ni pour leur famille, mais en étant elles-mêmes. Et, en étant libres, elles peuvent apporter la liberté aux autres:

"La liberté des uns augmente celles des autres, la non liberté la diminue."

Pour Barbara il faut que les femmes refusent la protection, qui est "la plus sournoise des barrières de l'autonomie". Ce qu'elle dit de la protection, en pensant aux femmes, est en fait de portée universelle:

"N'omettons jamais de considérer combien la protection est pesante, créatrice de dépendance, et la dépendance elle-même appauvrissante pour le protecteur comme pour le protégé."

Le désir d'indépendance de Barbara va très loin. Il est d'une grande cohérence. Elle ne veut "ni appartenir ni posséder". Il lui faut des structures plutôt souples que contraintes. C'est pourquoi elle est hostile au mariage et fait l'éloge du célibat. C'est pourquoi elle ne reconnaît de fidélité que la fidélité à soi-même. C'est pourquoi elle refuse de se laisser enfermer dans un logis, ou alors le plus modeste possible, et uniquement dans les villes. Car rien de pire que de se retrouver dans des "villas et maisons et jardins campagnards, isolés et secondaires". Elle considère d'ailleurs l'écologie comme un "piège extrêmement dangereux pour les femmes"...

Sur la scène du stand de L'Hebdo, dimanche dernier, Barbara a cité l'adage:

"Charité bien ordonnée commence par soi-même."

Elle a aussi cité la phrase qui, selon elle, caractérise son livre:

"Aime ton prochain comme toi-même? Alors aime-le libre!"

Tout son programme, en deux phrases...

Son féminisme n'est pas dirigé contre les hommes - pour elle l'homme et son sexe sont des merveilles, indissociables. Mais elle aurait un penchant pour ceux qui sont tout à fait hommes. Elle en fait l'aveu dans cette phrase tournée comme une annonce:

"Femme, libre et fidèle à soi-même, cherche homme avec lequel échanger, libre et fidèle à soi-même."

Francis Richard


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