Le cas de James Cameron diffère de celui de Disney. Le cinéaste qui avait dominé le monde avec Titanic en 1998 avait ensuite disparu de la circulation pour accoucher d’Avatar plus de dix ans plus tard, offrant au monde la nouvelle génération de la 3D relief pour le meilleur et pour le pire. Et alors qu’il prépare les suites à sa bataille spatiale écoloprévisible, Cameron a pris le temps de retourner vers son Titanic pour le convertir à la 3D. Et entre ses mains, cette conversion ressemble moins à une tentative de gratter un peu plus de fric aux spectateurs qui lui en ont déjà tellement donné qu’à un technicien s’amusant avec ses instruments et faisant étale de ce qu’il est possible de faire lorsque l’on s’emploie à bien utiliser le jouet qu’il a lui-même offert au cinéma. Peut-être parce qu’il a vu ces films convertis par les studios alors qu’ils n’étaient pas pensés à l’origine comme des films en 3D, et que ces conversions à la va-vite s’en sont nettement ressenti dans la qualité graphique des films en question, du « Choc des Titans » à « Green Hornet ».
Je suis justement allé voir en salles les conversions en 3D du Roi Lion et de Titanic à deux jours d’intervalle. Pour le premier, ce fut plus un soudain élan de nostalgie que j’avais ressenti en janvier dernier au Showeb lorsque j’avais découvert la scène d’ouverture en 3D au Publicis, une scène qui m’avait procuré d’inattendus frissons et qui m’avait fortement donné envie de redécouvrir le classique moderne de Disney sur grand écran. Parce que c’est le dernier Disney de Noël que j’avais vu au Grand Rex en entrant dans l’adolescence, parce que je l’avais vu et revu en vidéo jusqu’à ce que je me sente un peu trop vieux pour le faire, et pour en avoir envie. J’aurais aimé le voir en VO, pour une fois, entendre la voix perfide de Jeremy Irons et celle rassurante de James Earl Jones, mais je n’ai pas eu le choix, ce fut en VF, dans une salle remplie de gamin commentant le film, voire vomissant pour une gamine qui ne semblait même pas avoir 3 ans et qui était assise le rang derrière moi. Le genre de condition de projection que l’on veut oublier et qui n’est pas loin de gâcher un film. Je reviendrai bientôt dans un autre billet sur les enfants au cinéma, la digression serait trop longue ici.
Le premier, c’est celui qui nous renvoie malgré tout vers ce jour de 1998 où le Titanic a repris vie pour la première fois. L’adolescent de 17 ans que j’étais avait coulé avec les passagers dans l’immense salle 1 des Halles, je m’en souviens encore nettement. Kate Winslet était une jeune actrice britannique montante, Leonardo DiCaprio était l’idole absolu des jeunes filles de la Terre entière… Allez voir Titanic, c’était presque comme aller voir Twilight aujourd’hui, le public féminin s’était approprié le récit du naufrage pour les beaux yeux de Leo et s’évanouissait à chacune de ses apparitions.
Mais à le revoir aujourd’hui, il est indéniable qu’aussi nunuche que peut être le film de Cameron, avec sa scène de sexe pudique dans la moiteur d’une voiture et avec ses déclarations d’amour trop démonstratives (le mec est quand même en train de mourir de froid en plein milieu de l’Atlantique et sait que dans quelques minutes, c’en sera fini de lui, et il a tout de même le culot de dire « Monter sur ce bateau est la plus belle chose qui me soit jamais arrivé », faut y aller mollo sur le trémolo les gars…), Titanic est un rouleau compresseur d’efficacité narrative. Un grand récit épique et dramatique de plus de trois heures qui nous emporte et ne nous relâche que le temps de ces brefs instants too much. Rétrospectivement, on ne peut que constater la brillance du casting, tant Winslet et DiCaprio sont devenus deux des meilleurs acteurs de leur génération. Il est difficile de ne pas se prendre au jeu et de ne pas se laisser happer, au cours de cette nouvelle vision sur grand écran, par ce second saut dans le temps, celui qui nous envoie en 1912 dans l’Atlantique Nord. Revoir Titanic au cinéma, c’est se perdre entre les époques, celle qui nous est contée, celle que les sensations du film nous rappellent, et l’instant présent.
Dans cette salle de l’Orient Express où j’ai revu Titanic, les tremblements de RER et les bruits de tuyauteries faisaient partie du naufrage, et les lunettes 3D collées sur le nez n’ont fait que renforcer l’immersion dans les allées du paquebot et la chute vers le fond de l’océan. Étais-je en 1912, en 1998 ou en 2012 ? Était-ce juste l’effet du retour en salles devant ce film ou un véritable effet 3D ? Quelle que soit la réponse, l’expérience valait d’être vécue.