80 soldats souffrant de troubles post-traumatiques se sont vus décerner la Forsvarets Medalje (1). Un cycliste d’un certain âge arborant moustache grise et uniforme militaire pénètre dans le Kastellet (2).
Sur ses talons rugissent six Harley rutilantes. Sur le dos des bikers, on lit "Legacy Vets". Dans la meute se trouve Dannie Lorentzen.
Le cycliste et lui sont des vétérans de guerre, et ensemble avec 80 camarades soldats, va leur être décernée une médaille.
Parce qu’ils souffrent de troubles psychiques.
Dannie Lorentzen nous indique d’une voix solennelle : "Je suis gonflé à bloc. En cet instant-ci, je souris autant que je pleure. J’ai attendu ce jour depuis de nombreuses années".
Auparavant, seuls des soldats blessés physiquement recevaient une médaille pour leur engagement dans la guerre ; cependant, grâce à la nouvelle politique du gouvernement en faveur des anciens combattants, la voie est ouverte pour que les soldats souffrant de troubles post-traumatiques puissent de même être reconnus.
Médaille pour dépression nerveuse
Sur deux rangées au cordeau, la poitrine bombée, les soldats ferment les yeux. Tout autour d’eux, se pressent librement les proches, les amis, les joggers et les touristes intrigués.
Certains se sont directement assis sous le soleil ardent, sur les pentes verdoyantes. D’aucuns regardent par-delà les eaux au bord de Langelinje (3). Tous les yeux sont sur les soldats.
L’homme au vélo et Dannie Lorentzen trouvent leur place.
Un roulement de tambour résonne.
"Chers vétérans, je suis extrêmement fier," appelle le général Peter Bartram, le chef des armées.
Dannie Lorentzen parle bas avec son voisin qui se tient au premier rang. D’abord il sourit, là commencent à jaillir les souvenirs.
"D’un coup je pense à mes camarades qui ne sont plus. Cela fait tourner un milliard de pensées, comme une cocotte beurrée qu’on touille encore et encore. C’est une journée heureuse et dure à la fois," dit Dannie Lorentzen.
On vient tout juste de lui épingler la médaille rouge et blanche à la poitrine sur sa veste en cuir. A côté pendent des médailles qu’il a obtenues à la suite de son engagement soit au Kosovo, en Bosnie ou en Irak.
Son temps dans l’armée l’a largement ébréché. Voilà cinq ans il s’est écroulé.
"Je voyais et fixais du regard un tournevis que j’avais déjà utilisé tant de fois. Soudainement, je ne sus tout simplement plus, ce que je devais en faire," précise-t-il.
"Aujourd’hui le point final de ma carrière militaire et de tout ce qui en a suivi est atteint. Ne subsiste maintenant plus qu’une voie, et elle est devant," indique Dannie Lorentzen.
Derrière lui se tiennent ses parents, ses sœurs, ses amis.
"Ils ont aidé le Danemark, à notre tour de les aider."
Anders Bertel, un autre soldat, est également heureux pour sa médaille. "Il s’agit d’une importante reconnaissance de l’engagement que nous avons pris, et ce soutien est réellement appréciable," dit-il en regardant sa famille.
Tous les soldats danois ayant pris part à une opération extérieure depuis 1948, et qui ont subi des dommages psychiques reconnus par le bureau de prévention des blessures professionnelles, peuvent de la même façon obtenir la médaille.
Le général-en-chef des armées Peter Bartram est d’avis que le fait que l’on montre de la reconnaissance, sous forme d’une médaille, aux soldats atteints de lésions psychiques est une évolution naturelle.
"Cela signifie beaucoup pour les vétérans, et j’espère que cette reconnaissance pourra amenuiser l’énormité du tabou qui entoure pourtant le psychique. Cela peut simplement être pire que des blessures physiques."
"Le Danemark et sa défense ont eu besoin de ces soldats. Maintenant ils ont besoin de nous, et donc nous avons bien entendu le devoir de les aider," ajoute Peter Bartram.
La plupart des vétérans et leurs parents se rendent à mesure à la réception.
De retour dans le jardin se tient l’homme à la moustache. Il regarde vers sa poitrine et ajuste sa nouvelle médaille.
Tout comme lui, 76 vétérans souffrant de lésions psychiques se sont retrouvés aujourd’hui, sans ovation publique. Ils se sont vus décerner leurs récompenses avec humilité.
Auteur : Sofie SYNNØVE-HERSCHEND
Source : Politiken.dk du 30 avril 2012
Traduit bénévolement du danois pour Theatrum Belli par Robert ENGELMANN
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(1) équivalent de la médaille de le Défense nationale en France
(2) citadelle édifiée par Christian IV à Copenhague
(3) partie du port de Copenhague