Dernier album des maintenant très (trop) populaires The Black Keys, El Camino s'institue comme une usine à tubes. De la terre sale et graveleuse du blues rock au bitume policé de la musique pop-rock taillée pour les ondes FM, les deux compères semblent s'être endormis sur l'aire de l'autoroute qui mène au succès... Explications.
Miséricorde, la reconnaissance mènerait-elle à l'indolence ? C'est la question que l'on peut se poser à l'écoute de cet album, qui trahit insidieusement la verve portée jusque là par le duo américain. Sournois en effet est ce disque. Un ingrédient nouveau s'est introduit dans la recette de cette galette musicale, qui une fois consommée, reste sur l'estomac. Cet ingrédient ? Le succès commercial pardi !
Si Big Brother avait hissé en son temps The Black Keys aux sommets - et définitivement assis les deux garçons sur le trône de la scène rock mondiale - on ne peut que s'affliger des dégâts infligés par leur réussite commerciale, soit dit en passant, amplement méritée. Car pour les Charts, de toute évidence, est taillé ce nouvel opus. Refrains à la pelle, mélodies tirées au cordeau, on repassera pour l'effet de surprise, si bien que peu de titres arrivent à surprendre nos tympans.
Un syndrome qui touche l'ensemble des compositions de ce disque bien inégal. Malgré quelques titres soufflant le chaud tel que "Mind Eraser", "Money Baker", "Gold on the Ceiling", l'ensemble de ce El Camino laisse une terrible impression de suffisance. Des riffs de guitares répétitifs et sans âme, à la voix de Dan Auerbach galvaudée par un mixage sonore bien trop lisse, l'expression musicale qui se dégage des Nova Baby et autre Dead and Gone, nous plonge en pleine soirée adolescente arrosée de bière aromatisée. Une véritable rupture avec l'identité sauvage et brutale du blues-rock qui estampilla par le passé les autres oeuvres du groupe telles que Magic potion et Attack and Release.
Alors certes, ces précédents albums ont toujours été portés par l'immédiateté du ressenti inhérent au rythme du blues-rock, mais sa spontanéité n'est ici plus qu'une illusion, et c'est bien dommage. Car El Camino tel qu'il signifie en espagnol, le chemin, inaugure une nouvelle voie, trop structurée pour surprendre, aussi bien dans l'arpège que dans la gamme. Pire c'est l'intonation sonore des instruments qui manque de sincérité, pour véritablement ensorceler l'esprit. Les guitares n'ont plus cette résonance brute, par laquelle chaque note exprimait la poussière d'un vieux garage grungy. Trop léger est ce cocktail pour enivrer l'âme du rockeur, qui devant l'éternel, criera à la profanation ! Un breuvage d'eau pas forcément bénit, auquel on préféra la chaleur d'un bon whisky, qui réchauffera les cœurs, amateurs de musique diabolique...
Un album très en deçà de la discographie des Black Keys, vers laquelle
il est vivement conseillé de retourner, en espérant que le tir soit
rectifié au prochain essai. A bon entendeur !
En bref : El Camino infirme l'essence blues des Black Keys, pour ouvrir la voie d'un rock bridé par une enveloppe pop, qui au final, trahit l'identité originelle des deux compères de Nashville.
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