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Hearts Of Darkness

Publié le 04 mai 2012 par Olivier Walmacq

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Genre : Documentaire

Année : 1991

Durée : 1h30

L’histoire : En 1976, le réalisateur Francis Ford Coppola part aux Philippines pour tourner son huitième film : Apocalypse Now, une adaptation du roman « Au Cœur des ténèbres » de Robert Conrad, transposé à la guerre du Vietnam. Sa femme Eleanor l’accompagne et sur la demande de son mari, elle réalise un documentaire sur le tournage. Cependant elle choisi aussi d’enregistrer les conversations du réalisateur à l’insu de ce dernier. Bien vite l’équipe se retrouve confrontée à des tas de problèmes, leurs nerfs sont mis à rude épreuve et petit à petit le tournage sombre dans le chaos et la folie. Tout cela n’échappe pas à la caméra d’Eleanor Coppola.

La critique de Vince12 :

Apocalypse Now est aujourd’hui un classique, un film culte parmi les cultes, il est souvent cité comme l’un des plus grands films de guerre de tous les temps.  Pourtant ça ne s’est pas fait sans peine.
Car oui si l’histoire du film Apocalypse Now est fascinante et pleine de folie, l’histoire du tournage l’est au moins tout autant.
Oui ce tournage restera dans les annales du cinéma comme l’un des plus fous des plus durs et donc des plus mémorable.

Cette aventure qui est l’une des plus folles de l’histoire du cinéma a été immortalisée par la caméra d’Eleanor Coppola qui a également enregistré les conversations de son mari sans avertir ce dernier.
En 1991, ses images sont récupérées par Fax Bahr et George Hickenlooper, qui réalisent ensuite des interviews de Coppola et de certains acteurs du film.
Au final cela aboutit sur un documentaire retraçant ce tournage démentiel, intitulé Hearts Of Darkness.

Attention SPOILERS !

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Nous somme en 1976, Francis Ford Coppola est le roi du nouvel Hollywood. Auréolé de son succès avec les deux premiers Parrains et salué pour son film Conversation secrète,  Il est l’un des réalisateurs les plus en vogue des années 70.
De plus, il a réussi à dompter une bonne partie du système Hollywoodien et à mettre les producteurs dans sa poche.
Cependant, le succès des Dents de la Mer l’année précédente marque l’avènement du Blockbuster (films à gros budget et à grosses recettes).
Le cinéma artistique pourrait s’éteindre. Coppola a bien l’intention de le remettre au premier plan en réalisant un film qui doit devenir son chef d’œuvre absolu.

Il s’agit d’Apocalypse Now une adaptation du livre de Robert Conrad « Au cœur des ténèbres » qui raconte le voyage d’un officier de la marine britannique, qui remonte le Congo afin de retrouver un directeur commercial du nom de Kurtz. Ce dernier dirige un comptoir en pleine jungle et ne donne de nouvelles.

C’est un vrai défi puisque même Orson Welles, véritable géant du septième art (qui avait adapté le livre de Conrad à la radio), s’est cassé les dents sur une adaptation au cinéma.

Mais là où le pari est encore plus osé, c’est que l’histoire est transposée à la guerre du Vietnam afin de dénoncer le conflit.
Le projet démarre au début des années 70, ce film doit lancer la société fondée par Coppola : American Zoetrope.

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Le scénario est signé John Milius (qui reprend les lignes du livre de Conrad) alors que George Lucas pour sa part doit assumer la fonction de réalisateur.
Cependant, à l’époque, personne ne veut d’un film dénonçant le conflit en cours au Vietnam craignant de s’attirer les foudres de la controverse.

 Le projet est abandonné mais Coppola le reprend au milieu des années 70. Il en sera le réalisateur, Georges Lucas ayant visiblement renoncé.

Pour le tournage Coppola choisi de partir aux Philippines, malgré les conseils défavorables qu’il a reçu de ceux qui ont tourné là bas.

Le casting sera composé de Harvey Keitel dans le rôle titre, Marlon Brando (qui exige un cachet de 3 millions de dollars ce qui revient à un million par semaine), Robert Duvall, Dennis Hopper, Laurence Fishburne, Sam Bottoms, Albert Hall et Frederic Forrest.

Coppola a besoin de matériel militaire pour tourner son film. Cependant l’armée américaine ne veut pas collaborer avec un film qui dénonce le Vietnam. Le réalisateur fait donc appel au président des Philippines, Ferdinand Marcos. Celui-ci lui prête alors les fameux hélicoptères de l’une des plus célèbres scènes de l’histoire du cinéma : l’attaque de la cavalerie aéroportée sur la musique de Wagner. Cela pose des problèmes Coppola ne peut pas avoir les hélicoptères quand il veut et le tournage prend du retard.

D’autres problèmes vont survenir, Coppola et ses monteurs analysent les premières scènes  et soudain le réalisateur ne veut plus de Harvey Keitel et fait appel à Martin Sheen. Une fois de plus le tournage prend du retard et le budget grossit. 

Ensuite Coppola est très mécontent de la fin de l’histoire, il veut donc retarder la réalisation des scènes finales, ce qui n’est pas du goût de Brando.
Ce dernier menace Coppola d’abandonner le tournage et de partir avec le million qu’il lui a payé d’avance. Coppola finira par le convaincre en prétextant qu’il est prés à le remplacer par Jack Nicholson ou Al Pacino.
Cependant, le réalisateur rencontre d’immenses difficultés pour écrire la fin.

 

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Ensuite il choisit de tourner en pleine mousson, l’inévitable arrive. Un déluge dévaste tout le plateau et tous les décors. Une fois de plus le budget en prend un coup. Coppola fait tout pour étouffer l’affaire mais la presse parle déjà de désastre financier. On attend toujours le film de Coppola qui devrait être fini.
Toute l’équipe est à bout de nerf surtout le réalisateur qui va jusqu’à hypothéquer sa maison pour finir le film.

Bien vite la drogue fait des ravages parmi tous les membres du groupe. Au début de l ‘herbe puis ensuite de l’acide du speed et autres substances illicites.

Comme si ça ne suffisait pas, Martin Sheen va aussi avoir des problèmes. L’acteur, qui fume beaucoup et qui n’est pas sportif, est loin d’avoir la condition physique pour un tel tournage. De plus il s’investit à fond dans son rôle, notamment il se rend ivre mort pour tourner la scène d’ouverture.

Ce qui devait arriver arrive, Sheen fait une attaque et frôle la mort. L’acteur, en raison de cette crise cardiaque,  risque d’être rapatrié.
L’équipe continue à tourner avec une doublure (qui n’est autre que le frère de Martin Sheen) mais bien des passages nécessitant des gros plans ne sont pas réalisables sans l’acteur.

Mais Sheen finit par se remettre et reprend le tournage. Il faut encore tourner le final. C’est alors que Dennis Hopper fait son apparition.
Cependant, il n’est pas du tout familiarisé avec son texte. Et il n’est pas le seul, Brando fait lui aussi son entrée.

Coppola l’avait déjà rencontré avant le tournage et lui avait demandé de perdre du poids pour son rôle. Il devait arriver avec une carrure athlétique, ça sera tout le contraire et c’est un Brando obèse qui débarque.
Pire, en parlant avec lui Coppola réalise qu’il n’a pas lu le scénario comme il l’avait promis et qu’il ne connaît absolument pas son texte. 

Le réalisateur et l’acteur vont parvenir à transformer ces faiblesses en avantage. Coppola décide de filmer le gros corps de Brando de façon à le rendre monolithique. De plus, il fait appel à une doublure de1 mètre98, ce qui confère au personnage du colonel Kurtz une certaine puissance.
Puissance également et surtout acquise grâce au jeu de l’acteur qui base la quasi-totalité de sa prestation sur l’improvisation (puisqu’il ne connaît pas son texte).

A ce titre le documentaire propose plusieurs extraits des essais de Brando, qui se révèlent vraiment intéressants.
Au final, son célèbre et tétanisant discours sur l’horreur  doit tout à l’improvisation. Là encore pourtant certaines scènes seront difficiles puisque Brando refuse catégoriquement de tourner avec Dennis Hopper.
Il faudra donc tourner les scènes en plusieurs fois avec les deux acteurs séparés.

Alors que Coppola est au seuil de la folie (entre autres il fera un malaise), le tournage finit par voir le bout du tunnel après 238 jours vraiment très durs !

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Pourtant il faudra encore près de deux ans pour faire le montage du film. La partie dela PostProductionn’est pas évoquée dans le documentaire apparemment pour des raisons de longueurs.

Tout au long du tournage Coppola annonce que son film est mauvais et prétentieux « ça mérite 5/20 déclare t’il ».
Le film sort finalement en 1979, il remportera la palme d’or du festival de Cannes, titre qu’il partage avec le Tambour de Volker Schlöndorff, les deux films étant ex-æquo. Il remportera également 2 Oscars et 2 Golden Globes.
Le film raflera 150 millions de dollars au long des années.

 Au final Coppola a réussi son coup, le tournage a été très dur ! Cependant, cela peut paraître paradoxal mais si le tournage n’avait pas été teinté de cette folie due aux problèmes rencontrés par l’équipe, on a clairement l’impression que le film n’aurait pas été aussi réussi et n’aurait pas su reproduire la démence qui régnait au Vietnam.

Plus tard Coppola déclara « Apocalypse Now n'est pas un film sur le Viêt Nam, c'est le Viêt Nam. Et la façon dont nous avons réalisé Apocalypse Now ressemble à ce qu'étaient les Américains au Viêt Nam. Nous étions dans la jungle, nous étions trop nombreux, nous avions trop d'argent, trop de matériel et petit à petit, nous sommes devenus fous ».

Le réalisateur dira même que par moment il s’est pris pour le colonel Kurtz.

Bref ce documentaire permet de découvrir l’un des tournages les plus fous et les plus éprouvants de l’histoire. Images d’archives, enregistrement et aussi d’interview qui rendent compte de l’état de Coppola et des ses acteurs durant le tournage. Mais en plus des interviews faites sur le tournage, on en trouve d’autres effectuées des années plus tard par Fax bahr et George Hickenlooper.

L’Edition définitive d’Apocalypse Now, donne également la possibilité de regarder le documentaire Hearts Of Darkness avec les commentaires audio de Francis et Eleanor Coppola (enregistrés séparément).
Cela peut également permettre de mieux cerner le contexte du tournage.

hearts of darkness

En bref ce tournage très mouvementé est resté dans la légende et a donner lieu à plusieurs rumeurs, vraies ou fausses et parfois exagérées.

Au spectateur de faire la part des choses donc mais indéniablement Hearts Of Darkness est le meilleur documentaire capable d’exprimer ce qui s’est vraiment passé sur ce tournage démentiel et légendaire.
Un documentaire à voir et qui n’intéressera pas uniquement les passionnés de cinéma.

Note : 17/20


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