TOULON, FRANCE. Que s’est-il réellement passé jeudi soir à Toulon, lors du dernier grand meeting de campagne de Nicolas Sarkozy ? Ruth Elkrief, dépêchée sur place pour suivre l’événement pour BFM TV, a dû interrompre en catastrophe son direct, étant prise à partie par des militants UMP. « On nous a traités de vendus, de collabos, il y a eu des crachats, quelqu’un disait On est de droite et fiers de l’être », relate la journaliste, évoquant également des « crachats » et des « jets de bouteille ».
Alors que vendredi matin Nicolas Sarkozy, à l’antenne d’Europe 1, s’est dit « désolé » tout en demandant de comprendre « l’attitude des gens qui sont exaspérés par une forme d’intolérance et de parti-pris » des médias, l’Agence de Presse Variae a recueilli le témoignage d’un militant UMP présent sur place, qui apporte un éclairage inédit sur cette agression.
Pour Carlito [NDLR : le prénom a été modifié pour assurer la sécurité de notre témoin], cela ne fait aucun doute, l’incident est directement lié à « l’atelier de formation à la sociologie critique des médias » dont sortaient les militants ayant attaqué Ruth Elkrief. « Depuis que l’UMP est devenu un parti de résistance au système et à son candidat François Hollande, nos dirigeants ont compris l’utilité de nous donner un bagage idéologique et critique pour déconstruire la pensée dominante ». Ainsi, en marge de chaque meeting sont désormais organisés des séminaires et des « travaux pratiques, par exemple apprendre à décrypter le journal télévisé de David Pujadas et celui de Laurence Ferrari », pour mieux comprendre « comment ils en viennent à fabriquer du consentement ».
Avant Toulon, le dispositif a pris une tout autre ampleur : « les organisateurs nous ont invités à un marathon de projection cinématographique, consacré à l’œuvre de Pierre Carles ». Étaient ainsi proposés aux militants les films « Pas vu pas pris », « La sociologie est un sport de combat », ou encore « Fin de concession ». Cette immersion dans la filmographie du cinéaste militant a visiblement échauffé les esprits des militants UMP, qui sont sortis de la salle « plus remontés que jamais » contre les manipulations orchestrées par les grands médias. Selon Carlito, l’agression de Ruth Elkrief s’est ainsi accompagnée de cris et de slogans très explicites : « Habitus de merde », « société du spectacle », ou encore « Salauds, Bourdieu aura votre peau ».
Un surcroît de formation intellectuelle peut-il entraîner un surcroît de violence ? Un paradoxe à méditer durant les dernières heures de campagne. Carlito, quant à lui, ne cache pas une certaine déception : « à cause de ces échauffourées, le cours de Frédéric Lefebvre intitulé « Guy Degrenne et le situationnisme » a été annulé, c’est dommage, ça avait l’air intéressant ». Gageons que ce jeune militant dynamique aura d’autres occasions de se confronter à ces deux grands penseurs.
Romain Pigenel, pour l’agence Variae