Higa © Le Lézard noir - 2011
Soldats de sable est un recueil de 7 nouvelles. Ces œuvres sont les premières réalisées par Susumu Higa, certaines sont inédites, d’autres ont été réécrites par l’auteur à l’occasion de cette compilation, à l’instar de L’école, premier récit du mangaka ; l’auteur explique dans une interview insérée en postface, qu’il a ressenti le besoin de la réécrire.
Ces histoires ont comme point commun de décrire un contexte précis de la Guerre du Pacifique (Seconde Guerre Mondiale) à savoir : la Bataille d’Okinawa. Ainsi, ces courts récits témoignent de la situation des civils durant le conflit armé. Aux quatre coins de l’Archipel d’Okinawa, hommes, femmes, enfants, vieillards sont pris en otages par les forces armées japonaises ; ces dernières sont allées jusqu’à utiliser les habitants comme bouclier humain. La lâcheté de certains officiers japonais est traitée sans aucune retenue par l’auteur.
Originaire d’Okinawa, nous apprendrons dans les bonus d’album que, je cite :
« Depuis ses débuts en 1989, l’œuvre de Higa se déroule invariablement à Okinawa, son île natale. Beaucoup de ses récits traitent de la bataille d’Okinawa mais plutôt que de raconter la guerre de façon directe, Higa saisit un par un, avec un regard lucide, le destin de ces civils inconnus qui ont été le jouet de la guerre, et recrée, dans un style propre, un univers qu’il est le seul à pouvoir dépeindre ». Cette courte biographie ouvre ensuite sur la retranscription d’une interview que l’auteur a donnée pour la Revue Ax en août 2010.
Certaines nouvelles touchent l’auteur plus intimement puisque deux récits mettent en scène ses parents. Le premier, A propos de ma mère, parle de l’exil de sa mère durant la bataille d’Okinawa : alors que son époux est parti à la guerre, cette femme fuit son village natal avec ses quatre enfants (dont un nourrisson). Seule sur les sentiers de son île, elle était livrée à tous les dangers. L’auteur raconte : « lors de la bataille d’Okinawa, deux fois par jour seulement, les attaques aériennes s’arrêtaient. Il s’agissait apparemment du moment où les soldats américains prenaient leur repas. (…) Ma mère profitait de ce moment pour fuir lentement vers le Sud, en prenant les enfants par la main ». L’autre nouvelle, Soldats de sable, parle de son père : « ce sont les seules expériences de guerre que mon père m’a racontées. Mais quand il parlait du camp à Hawaï, il s’animait vraiment. Comme si c’était là son adolescence. Je pense que c’est parce qu’au camp, il n’y avait aucune contrainte, mais c’est à se demander s’il s’inquiétait vraiment pour nous. C’est peut-être aussi parce qu’au final, nous étions saufs ». Je ne m’arrêterais pas sur les autres nouvelles de l’album excepté sur la dernière, Voleur de terres, car elle est atypique comparée aux autres. Tout d’abord parce que c’est une comédie, alors que les autres récits seraient plutôt des “tranches de vie” classiques et recourant ponctuellement à l’humour. Ensuite parce que l’histoire se déroule également à Okinawa mais à une période plus proche de la nôtre : un céramiste récupère de la terre pour ses poteries. En travaillant la matière, son apprenti est sujet à des hallucinations visuelles et auditives. Après quelques péripéties teintées d’un humour grotesque, l’auteur parvient à inscrire l’origine de ces événements paranormaux dans la Guerre du Pacifique.
Comme à l’accoutumée, le format recueil soulève quelques griefs de ma part. La brièveté des histoires ne permet pas d’investir complètement les nombreux personnages principaux. Aucun d’entre eux n’est transversal d’un récit à l’autre. A chaque nouveau scénario, il s’agit donc de repérer les uns et les autres, les interactions qui existent éventuellement entre ces différents protagonistes, les enjeux, leur localisation géographique dans l’Archipel, à quelle période nous nous situons dans la Bataille d’Okinawa… il m’a été difficile d’identifier certains personnages, ils se ressemblent trop et parfois au sein d’un même récit. Cela me déstabilise à chaque fois et me freine dans la lecture. Cependant, si la thématique abordée par chaque scenario est la même, il n’y a aucune redondance d’un récit à l’autre.
Quant au graphisme : le dessin est lisse. Contrairement à d’autres mangakas comme Tezuka, Taniguchi, Mizuki… je serais incapable de reconnaître le trait de Susumu Higa au premier coup d’œil. Ses illustrations sont sobres, trop épurées, simplistes… je trouve qu’elles retranscrivent maladroitement les émotions et les expressions des uns et des autres.
Une lecture plaisante mais elle ne m’a donné aucune satisfaction. Actuellement, j’ai beaucoup de mal à me tourner vers les manga ; mes dernières lectures ont glissé sur moi, sans m’impacter, sans que je puisse saisir d’une réflexion impulsée par l’histoire, sans que les personnages m’émeuvent. Ici, le format « recueil » renforce ces impressions. Je n’ai ressenti aucune empathie pour les personnages malgré les drames qu’ils ont vécus. Le discours est sincère mais parfois grotesque, le dessin est trop caricatural… je n’ai pas un seul instant quitté ma place de lectrice-spectatrice. Je reste droite dans mes bottes, butée sur mes positions : cet album n’était pas une bonne porte d’entrée pour réactiver mon envie de manga.Les chroniques de Choco, Jérôme, David.
Soldats de sable
Catégorie Couleur
One Shot
Éditeur : Le Lézard noir
Dessinateur / Scénariste : Susumu HIGA
Dépôt légal : octobre 2011
ISBN : 978-2-35348-028-9
Bulles bulles bulles…
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