“On ne vous a pas dit ce qu’on faisait des rennes après Noël. On n’a pas expliqué ce qu’il advenait du corps inerte des animaux. Entre les contes de fées et la vie réelle il y a un vide que vous n’arrivez pas à combler. Vous vous remplissez d’une rage muette et invisible. Vous décidez, si vos parents continuent à vous cacher la vérité, que vous partirez avec les rennes juste après Noël. Vous trahirez.”
Comme beaucoup de lecteurs de ce roman d’Olivia Rosenthal, paru en Septembre 2010, j’ai d’abord été intriguée par son titre Que font les rennes après noël ? qui nous plonge d’emblée dans un univers enfantin, empli de questions parfois drôles, souvent signes d’une angoisse profonde, qui pourraient nous mettre sur la voie du sens de la vie…
C’est un roman un peu hybride, polyphonique que l’on découvre. Dès les premières pages, on lit deux récits en parallèle, celui qui met en scène une enfant et une réflexion sur les animaux sauvages en captivité notamment, qui relève presque du documentaire, menée par des professionnels (un soigneur, un gardien de zoo, un dresseur de loups ou encore un boucher…)
On ne sait pas grand chose de cette petite fille énigmatique, qui se cherche, qui doute, qui souffre, qui craint l’emprise de ses parents, sur sa vie, sur son territoire pour filer la métaphore animale. On la suit depuis sa naissance jusqu’à l’âge adulte, d’événements dramatiques en silences prolongés, de rêves (notamment celui d’avoir un animal de compagnie) en déceptions…
Les questions que se pose la petite fille se retrouvent dans les réflexions consacrées aux animaux. Où commence l’humanité ? Que fait-on de notre part d’animalité ? Comment se construit-on ? Comment arriver à se défaire de notre éducation parfois conditionnement ? On pourrait d’ailleurs rattacher ce roman aux récits d’apprentissage.
Le jeu des pronoms est assez bien mis en scène, surtout ce “vous” troublant qui désigne d’abord la petite fille mais qui renvoie aussi au lecteur. Si le travail de construction est assez remarquable dans ce roman, Olivia Rosenthal fait aussi preuve d’humour et met à distance certaines idées préconçues. La fameuse citation de Hobbes “L’homme est un loup pour l’homme” est par exemple déclinée dans toutes les versions possibles.
Même si c’est un livre bien écrit, bien construit, bien documenté, j’ai eu du mal à entrer dans cette histoire. Les passages évoquant les techniques de mise à mort des animaux m’ont un peu gênée aussi… Ames sensibles s’abstenir !