Patrons, DRH, avocats et syndicats attendaient avec la plus grande impatience la réponse de la justice à une question : « Un juge peut-il revenir sur un plan social s’il considère que les difficultés économiques invoquées par l’entreprise sont insuffisantes ? » Cette question se référait à l'affaire Viveo dont Slovar vous avait longuement parlé
« (...) En mars 2010 les salariés de Viveo France manifestaient contre la mise en place d'un plan de restructuration par la société suisse Temenos qui était en train de les racheter. Le Comité d'Entreprise de Viveo mandatait un expert indépendant pour analyser la situation économique du groupe. Le rapport de l'expert concluait qu' « il n'y avait pas de motif économique au projet de restructuration présenté et visant à supprimer plus du tiers des effectifs de Viveo France. Fort de ces éléments le CE assignait la direction en justice, devant le Tribunal de Grande Instance de Paris, afin que soit prononcée la nullité du PSE (Plan de sauvegarde de l'emploi) en raison de l'absence de motif économique. La direction de Temenos France affirmant de son côté que le PSE était justifié par une perte de compétitivité des produits Viveo sur le marché domestique. Résultat des courses, le PSE de Temenos était annulé, ce qui était confirmé par la Cour d'Appel (...) »
Ce qui mettait en rage un des cabinets d'avocats préféré des DRH qui affichait clairement sa volonté de mettre hors jeu les juges qui vérifient la validité des plans sociaux et lançait ce chantage : « (...) si la Cour de Cassation devait donner raison aux salariés de Viveo, ce serait ouvrir : « la porte à l'interdiction de tout licenciement en France » et nuirait « à l'attractivité de la France et à sa capacité à retenir ou créer des emplois »
Et pourtant, depuis son début, cette affaire n'a quasiment pas été médiatisée. Ce qui est assez extraordinaire lorsqu'on sait qu'elle symbolise un modèle économique et un mode de management méprisants à l'encontre des salariés.
Or, on apprend aujourd'hui que : « (...) la chambre sociale de la Cour de cassation a invalidé l'arrêt de la Cour d'appel de Paris annulant, pour absence de motif économique (...) »
Ce qui a fait dire au représentant CGT de Viveo que : « (...) cette décision de la Cour de cassation donnait carte blanche pour les licenciements après le 2ème tour de la présidentielle (...) » En effet, après la décison de la Cour de Cassation, les entreprises pourront continuer à alléger leurs effectifs même si elles affichent une excellente santé, dans la mesure où la justice ne s'opposera pas à des licenciements sans motif économique ! Et comme de nombreuses entreprises ont accepté à la demande de Xavier Bertrand de reporter les dégraissages après le résultat du 6 mai ...
L'affaire devra néanmoins être rejugée par la cour d'appel de Versailles qui statuera à nouveau « en conformité avec l'analyse de la Cour de cassation ». Ce qui laisse aux salariés de Viveo peu de chances et beaucoup d'amertume. Et pour tout les salariés français beaucoup d'inquiétude pour les mois et années à venir !
A 3 jours de la présidentielle, la balle est désormais dans le camp des politiques qui devront décider en cas de victoire, si un modèle économique et social qui méprise les salariés, au point d'exiger de ne pas avoir de raison à leur donner pour les licencier, mérite de l'indulgence ou une réelle sanction !
Crédit photo PCF