Projet contre projet, des candidats en vérité, deux visions du monde et de la France, ce débat présidentiel devait éclairer notre vote, nous enthousiasmer, raviver notre espérance. Pourtant entre deux baillements de François Hollande, entre deux cours de comptabilité de Nicolas Sarkozy, entre deux petites phrases et autres pièges assassins, entre deux personnalités somme toute intelligente, je n'ai pas vu le ciel.
Ce matin, les journalistes sont contents. Le meilleur débat de toute l'histoire des débats. Deux candidats remarquables se sont révélés. Une qualité exceptionnelle... Je ne sais pas s'ils parlent des lumières et du décor, du maquillage qui cachait les boutons ou du sourire des présentateurs, mais j'ai beau revoir les grands moments en boucle, je ne vois pas le ciel.
Il y a en France aujourd'hui deux conceptions de l'Homme qui se font face. Deux conceptions qui se font d'ailleurs face depuis toujours dans le monde et dans l'histoire. Il y a d'un côté une idéologie fondée sur le progrès et de l'autre une approche fondée sur l'espérance. Mais hier, nous ne l'avons pas entendu.
Hhier soir, lors du débat présidentiel, personne n'a parlé de la beauté de cette famille qui naît de l'intime communion de vie et d'amour conjugal fondée sur le mariage entre un homme et une femme et qui devient ainsi le lieu premier d'humanisation de la personne et de la société. La modification du mariage (et par conséquent de l'adoption) proposée par François Hollande n'a pas été évoquée alors que cette décision serait un bouleversement social important. J'ose même une provocation qui me vaudrait des foudres si j'étais sur un plateau : François Hollande remet en cause d'autant plus facilement une institution à laquelle il n'a jamais voulu se soumettre qu'il n'y croit pas, ce qui lui posera quelques difficultés s'il est élu. Nous percevons en effet dans la volonté de sa compagne Valérie Trierweiler de conserver son emploi de journaliste après le 6 mai qu'il y a là une vision particulière de la famille avec une opposition complexe entre l'indépendance financière et psychologique de l'une que rien ne lie à l'autre et son devoir d'Etat de réserve et de discrétion. Le mariage n'est pas seulement un contrat fiscal ou un "bon pour accord" donné à une vie amoureuse; il est un chemin de confiance, d'abandon, de communion, d'apprentissage de la différence. Le mariage repose sur une complémentarité anthropologique, psychologique et sociologique qui, devenue communion, offre un terreau de construction merveilleux pour un petit être appelé à grandir. Ainsi, il y a bien deux conceptions qui se confrontent : une idéologie du progrès qui veut donner un blanc-seing aux errements de l'Homme face à une approche pleine d'espérance qui veut donner à la famille les racines du mariage pour que l'Homme s'envole.
Hier soir, lors du débat présidentiel, personne n'a parlé de la beauté d'un dialogue sain et respectueux entre la raison et la foi, entre le politique et le spirituel, entre l'instituteur et le curé. Dans une lettre scandaleuse au Comité National d'Action Laïque (CNAL), François Hollande relance une guerre d'un autre temps contre l'école privée qu'il oppose à l'école publique en oubliant les principes fondamentaux et dignes de liberté et de subsidiarité. Pourquoi ne pas faire confiance aux parents dans leurs choix éducatifs? Parce qu'ils ont des convictions spirituelles qu'ils devraient cacher? Là encore se confrontent une idéologie du progrès qui donnent à l'Etat les clefs de l'éducation et du bonheur face à une approche pleine d'espérance qui veut donner à la famille les racines de l'éducation et de la transmission pour que l'Homme s'envole.
Hier soir, lors du débat présidentiel personne n'a parlé de la beauté de cette vie qui doit être respectée, chérie, protégée. Dans les programmes ont fleuri des idées sur la procréation médicalement assistée (PMA), le droit à mourir dans la dignité ou l'avortement (IVG) qui renforcent cette idée que nous sommes maitres de nos choix de vie. La souffrance est toujours un sujet difficile à aborder. Absence d'enfant, douleur physique, choc psychologique, nous préférons souvent contourner ces sujets en nous parant de compassion. "Souffrir avec" n'est certainement pas négation de la souffrance. Il ne s'agit pas de nier la souffrance, de refuser l'indignation face à l'incompréhensible mais de nous émerveiller de la vie. Sur ce thème comme sur les autres, deux conceptions se confrontent. Une idéologie du progrès qui veut faire plaisir à l'Homme en le laissant faire ce qu'il envisage face à une approche pleine d'espérance qui veut donner à la vie les racines d'un amour exigeant pour que l'Homme s'envole.
Il y a quelques jours, j'entendais le père Nicolas Buttet dire ceci : "l’échec des idéologies et les tragédies de l’humanisme athée nous rappellent à la fois à plus d’humilité mais aussi à une grande audace. L’utopie du progrès étant bien ébranlée dans une mondialisation ou il semble bien difficile d’en conceptualiser les contours. Paradoxalement, toutes ces circonstances semblent nous renvoyer à l’essentiel: la personne humaine et sa responsabilité pour bâtir un monde selon le mode d’emploi du bonheur inscrit par le créateur dans sa création. Cette nouvelle approche – encore balbutiante – est pleine d’espérance. Enfin, il devient réaliste et possible de changer ce monde! La civilisation de l’amour comme idéal historique concret devient là tâche urgente pour toutes celles et tous ceux qui portent le beau nom de chrétien…" Et je réflechissais.
Il est fort possible qu'à partir du 7 mai, les chrétiens et tous ceux qui partagent certaines de leurs intuitions soient appelés à cette "tâche urgente" de se battre et se mobiliser pour tous ces sujets essentiels que le débat présidentiel a volontairement oubliés. Soyons prêts.