Léo Bassi arrive sur la scène de l’Alhambra, lunettes, canne blanche, nez rouge. Quel clown est-ce donc ? Et il sort un micro, commence une conférence - confidence sur ses soixante ans atteints et son clown anarchiste. Progressivement il retire tous ses accessoires : canne, nez rouge, lunettes noires, et puis, plus tard, après les souvenirs d’enfance de pigeons affolés devant la cathédrale de Milan, la cravate, la chemise… Tout en discourant sur les humoristes et la télévision (quelles compromissions ?), sur le pouvoir de Coca-Cola (12% du marché mondial des liquides !), sur les greens des terrains de golf dans le sud de l’Espagne (Léo Bassi vit en Espagne), il se met peu à peu à nu. Comme s’il lui fallait, pour pouvoir endosser la tenue du clown blanc, un habit bleu parsemé de paillettes, se défaire de tout ce que la société lui impose. Après seulement, il peut se maquiller et poser sur le blanc du visage le sourcil relevé de l’interrogation, du doute. Il nous a fait rire, a semé en nous suffisamment de peur (parce qu’un clown fait peur) qu’il peut nous mener à sa guise et nous faire prendre l’illusion pour la réalité. Le rire explose dans la salle et nous sommes suffisamment conquis pour plonger dans son jeu. Ce n’est qu’après, dit-il, que l’enfant, qui a eu peur du clown, comprend quelque chose de ce qui s’est passé. Pour nous, spectateurs du Printemps des rues, l’effet est le même. On a bien serré les fesses (« il culo restretto »), on a bien ri, et on a bien compris que, s’il faut s’accorder la part du rêve, il faut aussi se méfier des manipulateurs qui en abusent.