On vous avait suggéré un petit programme pour le Festival Panoramas, qui s’est tenu à Morlaix au début du mois d’avril. On n’a pas tout à fait respecté nos propres conseils, et c’était pour le mieux. Entre jolies surprises et tristes déconvenues, voilà le récit de deux jours en Bretagne.
Vendredi
Le temps de se faire sermonner par des policiers en quête de petites pilules à confisquer et de monter nos tentes une bière à la main, on rate le passage des biarrots de La Femme (pas grave, on les avait déjà vus aux Inrocks). Pas grave, on file voir Chinese Man, qui a déjà rempli le Grand Hall. L’ambiance s’enflamme vite mais le mélange hip-hop et électro-dub, à l’efficacité indéniable, m’ennuie un peu vite, et j’ai l’impression qu’on tourne en rond. Les visuels peu variés ne me distraient guère. L’impression globale est mitigée, je préfère aller voir ce que deviennent les parisiens Stuck In The Sound, dont le show des Transmusicales m’avait agréablement surpris. Du coup, ce n’est plus une surprise : le live est maîtrisé de bout en bout, les morceaux s’enchaînent sans accroc, l’ensemble est on ne peut plus propre ; une fois de plus je suis impressionné.
On en ressort avec le sourire, avant d’aller voir Arno Gonzalez, qui inaugure la nouvelle scène qu’est le Chapiteau, petite scène couverte en plein air un peu à l’écart (mais juste à côté des sandwicheries et affiliés, détail important) et qui accueillera des artistes électro tout le week-end. L’Angevin est à l’aise ici, il livre une techno à l’ancienne sans passéisme aucun ; ses sons caressent mes oreilles, ravies de plaisir. Peu après, Izia fait l’amour à son micro sur la scène du Grand Hall, d’après certains échos que je n’entends que trop tard. Dommage, on a été voir comment se débrouillaient les jeunes 1995. Grave erreur, puisque devant un public conquis d’avance, on a l’impression d’avoir à faire à une mauvaise répétition d’un groupe de rap qui n’aurait fait que trois scènes dans sa vie. Le succès est incompréhensible.
On retourne sous le Chapiteau pour voir Tepr, qui a pris la place d’Arno Gonzalez aux platines. Les sons électro du morlaisien, parfaitement affutés, se propagent. Les jambes bougent, et les culs avec ; quelques mains se baladent même. Très vite, on enchaîne avec le set impressionnant des Shoes. On le savait, pourtant, que la claque allait être grande. Mais on ne peut s’empêcher d’être surpris devant un tel savoir-faire. L’ambiance est folle, la musique, savant mélange de rock et d’électro, est efficace sans jamais être calibrée. Les Rémois sont accompagnés sur scène du duo de batteurs Das Galliano, qui se déchaînent sans retenue sur leurs fûts. Après un tel show, tout paraît un peu fade… Ca explique peut-être que je ne me rappelle du set de l’Anglais L-Vis 1990 que par fragments (ça, ou peut-être suis-je atteint Alzheimer juvénile…).
Mais des fragments positifs en tout cas. On rate par la même occasion le passage de Kap Bambino, et on attend l’arrivée du messie berlinois : Paul Kalkbrenner. Le grand chauve apparaît enfin derrière ses platines. La foule entre vite en transe, soumise aux sons crachés par les enceintes. Si le tout met un peu de temps à démarrer, le set est long, ce qui lui laisse le temps de mettre en place toutes sortes d’artifices efficaces qui mènent à un final d’anthologie, qui restera longtemps gravé dans les mémoires.
Après ça, la Sound Pellegrino Thermal Team manque un peu de pétillant, à défaut d’être tout à fait inintéressante. Je ne suis pas tout à fait convaincu, mais ça reste toujours moins pire que l’atrocité qui hante le Grand Hall : Modestep, des Anglais bourrins qui massacrent tout sans aucun respect, sans aucune distinction. Le tout est sans aucun intérêt. Je préfère discuter avec une jolie Zoé, que je découvre habiter à deux pas de chez moi. Beaucoup plus intéressant.
Retour sur le camping, où beaucoup dorment déjà à poings fermés. Ce qui se passe au camping de Panoramas, reste au camping de Panoramas.
Samedi
Cette fois-ci, on ne se fait pas avoir et on arrive à l’heure au Parc Expo, pour être sûrs de ne pas rater le premier concert. On rentre d’ailleurs sans même se faire contrôler nos bracelets, ce qui est forcément source d’étonnement. On se précipite devant les jeunes Rennais de Juveniles, qui enchaînent les tubes devant un (trop maigre) public qui se laisse conquérir facilement, charmé par les géniaux Ambitions et Nights Nights. Heureux d’être là, le show est vivant et généreux (un cupcake finira dans le public, si si).
A côté, Orelsan et son large groupe font pâle figure dans le Grand Hall. L’ensemble est lourdingue, les blagues de mauvais goût ; ça semble durer une éternité, mais on attend impatiemment que les Jupiter arrive. On les avait déjà croisés à Rennes pour Bars en Trans, dans un lieu pas tout à fait adapté, et on a espoir qu’ils se rattrapent ici. Ce qu’ils ne manqueront pas de faire. L’electro-pop pousse les déhanchements facilement, la chanteuse sexy aidant. Le tout est très bien vu. Si un certain candidat à la présidentielle voulait aller sur Mars, on lui conseillerait plutôt la planète aux anneaux.
C’est au tour de DJ Shadow de nous faire partager son monde : une énorme sphère sur laquelle sont projetées des visuels variés. Un peu hermétique, le son est intéressant mais on a du mal à s’y faire. Après avoir insisté un peu (et trouvé ça plutôt pas mal), on fait un détour par Glass Figure, qui ouvre les festivités du Chapiteau avec brio, avant d’aller voir le jeune (même pas majeur) Nantais Madeon, dont le premier grand live à Scopitone l’automne dernier en avait déçu certains. Ici, zéro déception : il a beaucoup mûri, ses sons se sont affirmés à défaut de vraiment tout à fait délaisser un côté commercial parfois agaçant. On ne l’appelle pas « le nouveau Guetta » pour rien.
Pendant ce temps-là, Cabos San Lucas, pas beaucoup plus vieux, en convaincra plus d’un sous le Chapiteau. Son électro affûtée manquerait de nous foutre une claque. Vient alors le tour de Modek, un flamand aux passages en Hexagone bien trop rares (ou en tout cas plus rares que C2C, qui joue en même temps). C’est puissant et raffiné à la fois, show absolument dingue où les tueries s’enchaînent sans aucun temps mort. Rone, lui, est un peu plus délicat.
On observe son set pas désagréable un kebab trop gras à la main, avant d’aller faire des aller-retours entre le show incroyable de Digitalism, d’une efficacité imparable, et celui, plus intimiste du Rennais Kogura, subtil et ô combien appréciable. Arrive bien vite le moment ou Huoratron prend les platines au Club Sésame. Et là, comme prévu : rouleau compresseur. Le grand Finlandais chauve et à la barbe imposante (un peu dans le genre du Techno Viking, si ça vous rappelle quelque chose) se démène pour rendre son set le plus destructeur possible. Il balance les sons, au sens où il fait réellement de grands mouvements avec ses bras pour accompagner ses sons les plus monstrueux. C’est diaboliquement efficace.
Erol Alkan, dont on pensait qu’il se débrouillerait pour rendre son set inoubliable, passe tranquillement quelques remixes dont il est l’auteur sans trop chercher à nous rendre l’ensemble très intéressant. Grosse déception du côté de l’Anglais. Puisqu’on boycotte (à raison, d’après les échos) le set de Canblaster, il ne nous reste plus que l’interminable live de Popof, dont on gardera secret l’effet sur nos personnes. On se contentera de dire que c’était vachement bien.
C’était vachement bien, un peu à l’image de ce festival, qui reste à taille très humaine (même si, du coup, aux heures de forte affluence, on se marche un peu dessus) malgré sa programmation pointue (si on oublie quelques tristes fautes de goût) sans être élitiste.
Panoramas, on se reverra l’an prochain. De toute façon, il faut que je retrouve Zoé.