Le contraste est saisissant : au mieux se porte le trafic, au plus fragile apparaît le transport aérien. On ne se lasse pas de pointer du doigt cette anomalie liée à une erreur d’analyse des groupements professionnels, IATA en tête. Avec persévérance, ils entretiennent l’idée que les compagnies sont victimes d’un contexte défavorable qui échappe à leur contrôle. Ce qui est tout à la fois exact et infondé.
Les statistiques de mars, publiées cette semaine, confirment que a reprise est bien réelle. ID Aéro n’hésite pas à évoquer «une croissance forte» qui intègre un double rebond. Le cabinet-conseil français estime que la progression de la demande atteint 8%, cela compte tenu de l’impact du Printemps arabe, d’une part, du tsunami japonais, d’autre part, événements marquants négatifs de 2011. Ce bond en avant, plus fort qu’attendu, a aussi été plus marqué que l’augmentation de la capacité offerte. D’où, sur base des calculs établis par ID Aéro, une progression de 2,2 points du coefficient d’occupation des sièges. Depuis le début de l’année, le trafic a progressé, en moyenne, de 7,2%.
L’IATA confirme ces bonds résultats, avec des chiffres légèrement différents et évoque une augmentation de la demande de 7,6% en mars et de 7,4% pour l’ensemble du premier trimestre. En tenant compte des résultats du début 2011 affaiblis par des événements non conjoncturels, l’IATA estime que le rythme moyen d’augmentation de la demande se situe actuellement entre 5 et 6%. En termes plus explicites, le transport aérien se porte bien. On note au passage que c’est en Europe que la progression est la plus marquée, de 8,8% à un an d’intervalle, alors que l’offre a progressé de 4,4% seulement. Il y a là matière à satisfaction.
Il n’est pourtant pas possible d’afficher un quelconque optimisme, laisse entendre Tony Tyler, directeur général de l’IATA. Comme son prédécesseur, l’ineffable Giovanni Bisignani, il est rapidement devenu un chaud partisan de la théorie du verre à moitié vide. Et, pour qui en douterait encore, il pointe un doigt vengeur vers les producteurs de pétrole. Depuis 14 mois exactement, l’or noir n’est pas redescendu à moins de 100 dollars le baril. Et de rappeler, pour enfoncer le clou, qu’il était tombé à une cinquantaine de dollars seulement en novembre 2008. Une remarque qui ne présente pas le moindre intérêt, si ce n’est purement historique.
Quand l’IATA ou encore des organisations régionales comme l’AEA, dénoncent par exemple l’effet nuisible de taxes ou redevances trop élevées, elles sont dans leur rôle de groupes de pression et leurs animateurs jouent ainsi aux lobbyistes. Mais, quand il s’agit du prix du pétrole, ce n’est plus du jeu. En effet, on n’imagine évidemment pas que les lamentations des compagnies aériennes, ou de ceux qui parlent en leur nom, suscitent une quelconque émotion auprès des Etats membres de l’OPEP. Accuser le prix exagéré du kérosène de tous les maux de la planète aviation n’a tout simplement pas de sens.
Certes, le carburant intervient désormais pour plus de 30% des coûts directs d’exploitation des compagnies aériennes, davantage dans le cas des low cost, et c’est une charge très lourde. On peut évidemment regretter cette situation, la commenter à l’infini, imaginer ce que serait le monde si les producteurs d’or noir en revenaient aux tarifs qu’ils pratiquaient avant le premier «choc» de 1973. Ce cheminement de pensée peut donner lieu à des réflexions aussi intéressantes que stériles ou encore justifier des colloques de toutes natures sans conclusion utile.
En revanche, c’est en vain que l’on attend que le transport aérien, avec une petite dose de fatalisme, admette une fois pour toutes que l’ère de l’énergie à bon marché est terminée depuis longtemps et que le baril à 100 dollars fait partie des «nouvelles» règles du jeu. Est-ce si difficile ?
Pierre Sparaco - AeroMorning