Les français de l’étranger sont une catégorie d’électeurs à part. Fichés par les consulats, ils sont sommés de mettre à jour leur inscription sur les listes électorales et leurs adresses e-mail sont mises à la disposition des partis politiques. Depuis des mois, ils sont inondés de messages des candidats, pour la présidentielle comme pour les législatives qui suivent de près. Ce sont des dizaines de messages chaque semaine, où l’on flatte leur « vision du monde », leur « fierté à représenter la France à l’étranger », leur « ouverture culturelle » et leur « travail au rayonnement des entreprises françaises ». Ils sont invités à participer financièrement aux campagnes, à s’engager sur Facebook et à « partager leur vision du monde avec leurs amis ».
Alors forcément, ils s’intéressent. Par Internet interposé, ils vont furtivement aux nouvelles de France 24 en ligne, écoutent les podcasts, lisent les blogs. Et ils entendent que, malgré les e-mails flatteurs, on ne les aime pas tellement en leur pays. Soupçonnés d’échapper au fisc français mais de profiter de prestations sociales, de profiter d’excellents jobs mais de ne pas soutenir en retour l’éducation qui leur a été offerte gratuitement (sauf les écoles de commerce bien sûr, mais bon, ça compte pas), de ne pas souffrir du chômage mais d’avoir droit aux Assedics, de se dorer la pilule au soleil mais de revenir à Paris toucher leur retraite ; ils sont près de trois millions qui, vu de France, sont des footballeurs vendus au plus offrant ou des rentiers caressant leur magot aux Bahamas. Suivant qu’on s’adresse aux expatriés directement ou à leurs concitoyens restés en France, on promet soit de rendre leur expatriation moins difficile, soit de les punir par une fiscalité de destruction massive.
Les deux heures de débat entre les candidats, retransmises à la télévision et sur Internet, devaient permettre d’y voir plus clair sur la véritable « vision du monde » des prétendants à l’Elysée. Un seul débat pour tous les électeurs. Pas un message aux uns, puis un (autre) message aux autres. Mais les électeurs de l’étranger n’y auront pas droit. On peut bien recevoir les emails, revoir le JT de TF1 ou relire le Monde, mais les émissions de France Télévision, c’est pour les Télévisions en France et l’Internet Français uniquement. Tant pis pour les « autres électeurs », France Télévision ne diffuse pas de débat démocratique hors de France. N’a qu’a lire les e-mails et se refaire « Parole de Candidat » sur TF1 (ça, on peut). Ecoeurant.
Moi samedi*, je vote pour celui qui supprimera « l’exception télévisuelle française ». J’attends l’e-mail de confirmation.
*Tecniquement, on vote samedi aux Etats-Unis. Ça laisse le temps d’envoyer les résultats par e-mail dimanche soir