Dès l'ouverture, la musique du Vienne XIXe sautillait tellement qu'on ne savait pas si toute cette histoire était très ironique ou ridiculement sérieuse. Sûrement que le contraste entre le genre et le lieu nous déstabilisait quelque peu. Ou alors était-ce parce que nous préférons Richard Strauss au "roi de la valse". Cela dit, la première impression a vite fini par se tasser, car le sérieux n'était pas à proprement parler la caractéristique principale de cette opérette bouffe (ou "buffa" c'est à dire "comédie" et non "ripaille"). Au contraire, dans le livret que Strauss a mis en musique, toute façade de bourgeois sans rien à se reprocher est aussitôt craquelée et révèle des personnages dignes d'un épisode de Top Modèles. Un sujet qui, au final, était facilement adaptable au lieu et à l'époque actuelle. Ce qu'ont fait avec talent les instigateurs du projet qui se sont même infligé la traduction du texte original ("Die Fledermaus") dans un français peut-être plus audacieux que la version latine déjà pré-existante. En tout cas dans des envolées lyriques louant la fête et l'alcool, il suffisait de remplacer "champagne" par "bière" et "couche" par "baise" pour qu'on s'y croit.
Devant un tel scénar', les derniers sceptiques ou ceux qui n'avaient encore jamais été à l'opéra auparavant ont vite fait de baisser les armes (enfin, on ne sait pas si la sauce a vraiment pris avec tout le monde mais si on se fie à l'applaudimètre et au mec qui était assis à côté de moi, la théorie tient la route). Joli tour de force de la part des organisateurs que de faire venir de jeunes adolescents pile dans l'âge où "la musique classique" est jaugée avec le même dégoût que "ma mère m'a acheté des fringues sans me demander mon avis". A y regarder de plus près, on pourrait d'ailleurs dire que le succès de la formule résidait en partie dans son accessibilité. Tout n'était pas chanté et ce qui l'était, se retrouvait "sur"-titré sur un écran au dessus de la scène, histoire de faciliter la compréhension. Les décors et les costumes eux aussi étaient au goût du jour. Le personnage un peu pétasse de Caroline était habillé à la Bree Van de Kamp tandis que niveau accessoires scéniques, l'accent était mis sur les biches et les cerfs. Salut tumblr.
Mais la majeurs partie de l'audience - grisonnante - en avait aussi pour son argent. Car la musique, de la pointe de l'archet jusqu'à la note la plus aigüe des solos de sopranos était très soignée. Et dieu sait que ce n'est pas évident de chanter et de jouer en même temps de façon naturelle. Comble de l'exploit, le personnage d'Adèle la Soubrette est même allé jusqu'à faire le grand-écart pendant une de ses interventions chantées. Vazy meuf, je suis sûre que t'as aussi des défauts.
Après une semaine de représentations à guichet fermés, on peut donc dire que l'Opéra Louise a réussi son pari. Un deuxième exploit pour cette troupe qui appliquait déjà la même formule à une opérette d'Offenbach ("Monsieur Chou-Fleuri") l'année passée. Pour vous donner une idée, il y a quelques extraits sur leur site: là. Et si les "r" roulés vous horrrrrripilent, sachez qu'on s'y fait au bout de deux-trois airs.