Auteur : Pierre-Alain Cotnoir, président de la Coop de solidarité WEBTV et président de la Coopérative de développement régional de Montréal-Laval.
Au bord du précipice
Le
30 janvier dernier, M. Ban Ki-moon, secrétaire général de l’ONU, recevait un
rapport portant sur la « viabilité mondiale » et qu’il avait commandé à un
groupe de personnalités de haut niveau provenant de tous les horizons
politiques. Dans ce rapport, intitulé Resilient People, Resilient Planet , on
peut lire : « Sous sa forme actuelle, le modèle de développement mondial n’est
pas viable. Nous ne pouvons plus nous leurrer : notre action collective nous
mène au bord du précipice, car elle met à mal les seuils environnementaux et
inflige des dommages irréversibles aux écosystèmes et aux populations. »
Le
rapport appelle à un changement drastique de paradigme si nous ne voulons pas
tomber dans ce précipice. Or, passer d’une économie capitaliste où l’humain
demeure trop souvent accessoire aux finalités poursuivies, à une économie
centrée sur celui-ci ne peut pas se réaliser par un simple coup de baguette
magique.
Il
est illusoire de s’imaginer un seul instant que les scénarios peu ou prou
angéliques de conscientisation planétaire, permettant sur un horizon d’à peine
une ou deux décennies de prendre les virages requis, se concrétisent. Passagers
d’un Titanic titanesque, on ne doit plus se demander si nous pouvons éviter
l’iceberg, mais plutôt comment y survivre collectivement.
Mutation et coopération
Notre
survie passe inévitablement par un ensemble de traits déjà présents au sein des
cultures humaines et qui pourraient s’avérer décisifs pour assurer une mutation
en profondeur de notre civilisation. L’économie sociale et solidaire, auquel
appartient le mouvement coopératif, en fait partie.
Edgar
Morin écrivait l’an dernier, parlant de celle-ci : « Elle constituerait, à côté
de l’économie de profit et de l’économie d’État, la troisième voie entre le
tout-marché et le tout-État, celle de l’économie sociale et solidaire des
mutuelles, coopératives, entreprises citoyennes, du micro-crédit, du commerce
équitable ». Et plus loin d’ajouter : « Ces initiatives visent à produire,
consommer, employer, épargner et décider autrement, de manière plus
respectueuses des hommes, de l’environnement et des territoires.
L’économie sociale à l’agenda de Rio+20?
Pas
étonnant alors que le hasard du calendrier ait fait en sorte que l’Année
internationale des coopératives coïncide avec la tenue du 20 au 22 juin
prochain de la Conférence sur le développement durable, mieux connue sous le
nom de Rio+20.
Mais,
paradoxalement, dans les discussions préparatoires à ce sommet qui ont lieu à
l’ONU, personne ne parle de l’économie sociale et solidaire comme alternative
au modèle dominant pour s’affranchir des menaces qui pèsent sur l’humanité.
Pourtant le mouvement coopératif, c’est plus d’un milliard de membres dans le
monde générant plus de 100 millions
d’emplois produit par 750 000 coopératives dont le chiffre d’affaires mondial
est égal au PIB du Canada.
Aussi
les dirigeants du milieu coopératif et mutualiste réunis en novembre 2011 à
Chamonix sous l’égide de l’Association des Rencontres du Mont-Blanc ont-ils
adopté une lettre adressée aux chefs d’État dans le cadre de la préparation du
Sommet de Rio+20. Cette lettre contient 20 propositions formant 5 chantiers. Le
26 mars au cours d’un side event organisé aux Nations Unies à New York en marge
de la 3e Réunion intersession préparatoire à Rio+20, les participants ont
demandé à tous les décideurs de la scène internationale d’adopter la résolution
suivante :
«
Nous reconnaissons le rôle fondamental des organisations et des entreprises de
l'économie sociale et solidaire, dont les principes de gestion démocratique,
épanouissement des personnes, liberté d’adhésion, juste répartition des
excédents, attachement à la propriété collective et d’indépendance vis-à-vis de
l’État, replacent l’Humain au cœur des préoccupations, pour instaurer une
société plus équitable, plus solidaire et plus démocratique et contribuent à un
développement durable, c’est-à-dire économiquement viable, socialement
équitable et écologiquement durable. »
Pour
en savoir plus sur cette démarche, je vous invite à visiter le site suivant
donnant accès aux interventions effectuées lors des assises des Rencontres du
Mont-Blanc ainsi qu’à la lettre aux chefs d’État.
L'entraide, pour ne pas disparaître...
Plus
que jamais, la coopération, la solidarité et la recherche du bien commun
doivent être mises de l'avant comme des alternatives à l’individualisme et au
matérialisme. Les entreprises de l’économie sociale et solidaire, dont au
Québec, le Mouvement Desjardins , ont un rôle essentiel à jouer dans la
promotion de ces valeurs, le Québec ayant développé une expertise singulière
qui doit être mieux connue de sa population, tout autant que plus largement
partagée avec les autres peuples.
Si
jamais n’émergeait aucun de ces traits marqués par l’entraide et nous
permettant de rétablir un équilibre en cette ère anthropocène, l'Homo sapiens
risquerait fort de se condamner à n'avoir été qu’un court intermède du monde
vivant.
L’auteur, Pierre-Alain Cotnoir,
se définit comme un coopérateur. Il est présentement président de la
Coopérative de développement régional de Montréal-Laval, président de la Coop
de solidarité WEBTV, secrétaire général de la Coopérative de télécommunication
CoopTel, président de la Coopérative de
solidarité ADAPTE et secrétaire de la Fédération des coopératives d’habitation
intermunicipale du Montréal métropolitain (FECHIMM).