Magazine Cinéma
En regardant ce documentaire, je ne m'attendais pas à ce qu'il soit aussi impressionnant : le sujet est quasiment politique quand on trébuche sur le mot le plus anxiogène de l'époque : délocalisation. Au cinéma? Didier Allouch a vraiment potassé son sujet, il annonce des chiffres, pas trop, mais les chiffres qui font comprendre la suite : il y a environ trois ans, l'industrie du cinéma US représentait $140 millions et 296 000 emplois, un gâteau aux saveurs de LA que sont en train de se partager d'autres régions, d'autres pays. La chute programmée de Hollywood est-elle est marche?
Tout commence à Toronto en 1997, le Canada offre des crédits d'impôts imbattables aux productions américaines qui viendront tourner leurs films chez eux. Toronto, surnommé aujourd'hui "Hollywood north", a une spécialité : reproduire parfaitement les rues de NY. Cependant, la ville est "tout terrain", on y tournera, par exemple, "Brokeback mountain", "Chicago", "7 ans au Tibet". Mais ça va plus loin, pour obtenir une aide conséquente à la production du film, on peut déclarer son film canadien...
Un événement dramatique va changer la face des tournages aux USA : après l'ouragan Katrina, La Nouvelle Orléans dévastée, des acteurs comme Brad Pitt, aidant à la reconstruction, exigent d'y tourner "L'Etrange histoire de Benjamin Button". Point de départ d'un incroyable succès des tournages en Louisianne (6 à 7 films en même temps, 35 films en 2010), état qui octroie des crédits d'impôts comparables à ceux du Canada, New Orleans surnommée "Hollywood with mosquitos". Une région qui inspire des réalisateurs comme William Friedkin (en train d'y tourner "Killer Joe") pour des raisons artistiques aussi, des techniciens interrogés disent que les décors de LA ont été vus trop de fois, en Louisiane, il y a des quantités de décors naturels magnifiques jamais vus au cinéma.
New Orleans (photo Washington post)Le doc fait ainsi le tour des états américains (il y en a 40) qui ont mis en place une politique fiscale avantageuse pour les tournages de films, les "endroits du décor" de films autrefois tournés à Hollywood qui compte ses nouveaux chômeurs et ses plateaux désertés. Mais pas seulement, le Brésil (Rio de Janeiro), la Hongrie, la Roumanie, sont des destinations à programmes fiscaux très avantageux mais aussi à des coûts très bas de production avant ristournes fiscales : 50% moins cher que partout ailleurs dans les pays de l'Est, "Cold mountain" a été tourné en Roumanie, "Munich" de Spielberg à Budapest.
En 2004, la France s'est réveillée et a mis en place un programme fiscal (crédit d'impôt international/CII) qui tient de l'"exception culturelle" : crédit d'impôts, oui, et avec plafond, mais uniquement si le scénario se passe en France comme le "Da Vinci code" ou "Midnight in Paris" de Woody Allen. Derniers tournages en date à Paris : "Hugo" de Scorsese", "Inception" de Nolan, "Au-delà" de Clint Eastwood.
Detroit (photo Reuters)
Un des exemples les plus choc du documentaire est l'aventure de la réalisatrice Lisa Azuelos obligée de tourner à Detroit le remake de son film "Lol", une expérience qu'elle qualifiera de "festival de Cannes dans une ville morte". Detroit, métropole fantôme, ravagée, désertée après la crise de l'industrie automobile, sans restaurant ni boutiques ni habitants dans le centre... Où, finalement, tous les gens de cinéma qui tournent sur place se retrouvent... L'Etat de Californie, sollicité par le monde du cinéma, a fini par mettre en place aussi récemment "son" programme fiscal de crédit d'impôt pour les tournages de films mais peut-ont revenir en arrière?
Diffusion
Canal+ (programme Cannes 2012)
Canal+ "A la demande"
"L'Endroit du décor" sera diffusé le jour de l'ouverture du 65° festival de Cannes, en seconde partie de soirée à 22h25 après "Midnight in Paris" (20h50), film qui avait fait l'ouverture du précédent festival de Cannes en 2011.