Au travers de cette foule composée d’anonymes, habitués de l’hôtel, du quartier, vrais et faux spécialistes de l’art, amis un peu ou beaucoup mondains, ou simples pique-assiettes qui avaient remarqué l’abondance des charriots de nourriture disséminés sous les hautes voutes de cette pièce au nom de jardin culturel romain, elle était là, droite, gourmande, une verrine de légume dans la main gauche, une coupe de champagne dans la main droite.
Je la reconnus, et m’approchais d’elle. Engageant la conversation avec cette femme que j’avais déjà rapidement croisée mais dont je ne connaissais même pas le prénom, je lui dit : “Vous êtes une fan de cet artiste ? on s’est vu au vernissage à la mairie du 6eme, et maintenant vous êtes présente au Lutétia “.
Sa réponse fut comme une secousse tellurique qui fit s’écrouler tout mon intérieur, du cerveau à l’estomac. “Non non, je n’étais pas à la mairie, c’est la première fois que je viens voir les oeuvres de cet artiste“.
Remettant mon organisme dans un semblant d’ordre, je m’engageais dans une sorte de raisonnement, afin d’être sûr que je ne tombais pas dans un cycle de folie acceléré. “Mais comment” lui rétorquais je : “Vous dirigez un club de bien-être et d’art martiaux au centre de Paris, nous avons discuté ensemble il y a 5 jours … vous ne vous souvenez pas ?”
“Non” me répondit elle avec sa voix calme, ses yeux gris bleu me regardant avec un certain sens du théatre, “C’était ma soeur jumelle” ! Quoi mais qu’est ce que c’est cette histoire de jumelle. “Oh arretez” lui dis-je, “enfin celle là elle est trop facile“. Elle est là, devant moi, la même silhouette élégante, la même chevelure abondante libre et sauvage, ce même visage aux traits fins, le nez, la bouche, ce corps de mannequin, cette manière de porter avec grâce le noir…la même qu’il y a 5 jours, je n’en démordais pas. … enfin une soeur jumelle, à ce point là, seul peut-être un grain de beauté situé à un endroit intime que je n’avait pas le droit de connaitre m’aurait permis d’y croire ? Mais là non, impossible.
Elle me regarda avec un lèger sourire. “Oh vous savez ce n’est pas la première fois que cela arrive. On nous confond souvent dans le quartier. Regardez ce monsieur que je ne connais pas, il viens de me dire bonjour. En fait il croit qu’il s’adresse à ma soeur“.
J’avais du mal à y croire. Je lui répondit que cette manière de faire était un peu grossière pour évincer quelqu’un qu’elle jugeait incommandant.
Cette dicussion surréaliste entre crevette, chorrizo, tartare de saumon,verrine et buffet abondant, eu pu prendre une tournure un peu plus agressive, mais un profond désir de comprendre cette méprise, cette entourloupe, ce quiproquo, m’a fait me reconcentrer sur la réalité. Tout était bien réel. Ce superbe buffet, cette femme élégante, habillée avec style et distinction. La conversation continua sur un ton un peu plus badin, et je du me rendre à son évidence. J’avais bien en face de moi une jumelle, si vraie, si authentique, que l’illusion d’avoir à faire à une seule personne était parfaite. Seul un examen détaillé pouvait souligner les minuscules différences.
Sûr de moi, j’en aurais mis ma tête sur le billot,(après l’éclair au caramel qui est une tuerie, ma tête sur le billot… la vie vous réserve quelquefois des circonstances mortuaires), mais par politesse je lui posait quand même la question. “Puis je vous demander quel parfum vous portez ?“
“Oh” me répondait elle en tournant son joli visage, “C’est un vieux parfum, réédité, que je porte depuis 20 ans. Il a été conçu dans les années 40/50 par un couturier aujourd’hui disparut. Il s’agit de Fracas de Robert Piguet”. Ce nom résonna dans ma tête avec cette même sonorité fracassante. Oui j’avais reconnu cette tubéreuse tumultueuse qui vous envoute. Ce parfum lui allait diablement bien. Elle avait le raffinement d’une femme à l’élégante maturité qui s’habille dans un style moderne, et porte ce parfum qui rend tellement plus femme celle dont le caractère et la sihouette s’accordent aux sillages puissants et évocateurs.
Elle ramassa avec grâce son sac et ses affaires logées dans un curieux filet, et m’autorisa à l’accompagner pour boire un café au bar du Lutétia. Les pique-assiettes y étaient moins nombreux, le piano plus harmonieux, et les grands miroirs reflétaient en de multiples exemplaires sont joli sourire, ce qui n’était pas pour me déplaire. Tout ceci fit de cette soirée, un moment inoubliable.
Fracas fut conçut sous la direction de Robert Piguet par le nez Germaine Cellier en 1947. Il est emblématique de cette famille de parfum floraux puissant, dont la tubéreuse exprime le coté engagé, fort, charnelle, capiteux, au sillage puissant.
Notes de tête : Bergamote, Fleur d’oranger, Notes Vertes
Notes de cœur : Tubéreuse, Jasmin, Muguet, Iris, oeillet
Notes de fond : Santal, Vetiver, Bois de Cèdre, Musc, Mousse
Disponible au Bon Marché et chez Jovoy, maison de parfum rare