Le Tignanello a officiellement atteint le statut de vin « bling-bling « avec un prix hors de portée, sauf si vous êtes un collectionneur chinois.
Il y a eu abondance d’écrits concernant le potentiel de ces vins mais ce n’est que quand une société de négoce bordelais m’a appelée au bureau et a essayé de me vendre des caisses de Sassicaia, que j’ai réalisé combien ces vins sont « chauds » à traiter. Doit-il y avoir du Tignanello sur chaque carte des vins de restaurant italien convenable ? La demande sera-t-elle suffisante et la tendance assez « tendance » ?
Eh bien, la chose « Super » concernant ces « SuperToscans » est leur profondeur étonnante comme leur ampleur en bouche, une qualité fantastique disponible de suite. Mais suis-je prête à dépenser quelques centaines d’€ pour ces bouteilles une fois au resto ?
Pour répondre à cette question, j’ai décidé de me replonger en dégustation. A disposition le millésime 2007 et les vins d’Antinori : Tignanello, Guado al Tasso et Solaia.
Le Tignanello est pour moi le vrai 1er « SuperToscan » car ce fût le premier Sangiovese à être vieilli en barrique avec des variétés « non traditionnelles » et à laisser de coté les raisins blancs autorisés dans l’assemblage du Chianti (le 1er millésime fût 1970, aujourd’hui sur l’étiquette on peut lire IGT Toscane). Il est produit seulement dans les meilleurs millésimes (par exemple pas de 1972, 73, 74, 76, 84, 92 ou 2002).
Le Tignanello 2007 est composé de 80% Sangiovese, 15% Cabernet Sauvignon et 5% Cabernet Franc. Les raisins viennent tous du vignoble « Tignanello » d’Antinori, sur des sols calcaires et rocheux. Il y a une longue macération avec délestage fréquent et après la fermentation, le vin est placé en barrique de bois neuf (chêne français) où il subit la fermentation malolactique après quoi les vins sont mélangés et laissés en barriques pendant encore 12 mois. Le vin est goûté régulièrement pour faire ensuite la sélection finale avant l’embouteillage, après quoi il vieilli un an en bouteille avant la sortie.
2007 a été un très très bon millésime en Toscane. Le Tignanello est donc un vin bien équilibré, avec une bonne structure, des tanins doux, une bonne minéralité, bonne acidité et beaucoup de fruit, brillant, bref, un vin qui a du goût et du caractère comme l’endroit d’où il vient. Certains millésimes antécédents étaient trop lourds, trop sur le bois, je suis contente de voir que ce 2007 reprend les codes des vins produits au tout début des années ’70.
Le Guado al Tasso 2007 lui ne contient plus de Syrah (il y en avait jusqu’à 10% dans les assemblages précédents) et cela afin de travailler vraiment des vins de style bordelais. On trouve maintenant du Cabernet Sauvignon à 57%, 30% Merlot, 10% Cabernet Franc et 3% Petit Verdot. La propriété se trouve près du village médiéval de Bolgheri en Maremma (Toscane du sud) zone différente des autres parties de la région : plus proche de la mer, plus chaude, avec des brises prévenantes de la mer et des terres qui aident à modérer le climat. Le sol est riche et l’élévation est bonne. Les vins de ce domaine ont pour moi toujours eut des tanins de velours et vieillissent très bien. Le Sangiovese ici est très long à mûrir mais il faut rester prudents car sinon les raisins peuvent devenir trop mûrs et sur-extraits. Leur œnologue heureusement n’aime pas les vins trop denses et cueille donc les raisins avant que ceci n’arrive. Le 1er millésime produit fut le 1990 et là aussi il n’est pas produit tous les ans. En 2007 des conditions sèches idéales en septembre avec des jours chauds et des nuits fraîches ont permis aux raisins de mûrir parfaitement livrant un fruit de grande qualité. Après 18 mois de vieillissement dans des barriques de bois neuf, les meilleurs lots ont été mélangés. Le vin a été alors embouteillé et vieilli pendant encore 10 mois avant la mise en marché. Comme je vous le disais, le 2007 a été vraiment un millésime exceptionnel, mais il n’y a pas que cela, la nouvelle approche qui a décidée de l’éviction de la Syrah est aussi un facteur de succès. Le Guado al Tasso 2007 est toujours un grand vin, mais mieux équilibré qu’avant.
Le dernier vin que je déguste est le Solaia 2007 (75% Cabernet Sauvignon, 20% Sangiovese et 5% Cabernet Franc). Les conditions climatiques optimales qui ont perduré de la mi-septembre jusqu’en début octobre ont permis une sélection prudente, pondérée des raisins sur des sols pierreux, calcaires et rocheux. Les vins sont vieillis en bois neuf pendant 18 mois environs. Après l’assemblage, ils vieillissent encore une année en bouteille. Ce vin provient d’une seule parcelle et fût d’abord produit en 1978 en assemblant du Cabernet Sauvignon avec du Merlot. 20 % de Sangiovese ont été ajoutés à l’assemblage selon les millésimes. Solaia est produit seulement dans les millésimes exceptionnels. J’ai été étonnée par ce vin car il y avait plus de fruit que dans le passé, avec des arômes très présents de cerise. Le bois était là mais ce n’était pas excessif….
Voilà donc 3 vins qui me sont parfaitement familiers et que je redécouvre : le Tignanello qui revient à ses fondamentaux, le Guado al Tasso qui a banni la Syrah et le Solaia qui devient pondéré, sans bois excessif…Il s’agit là de vins qui ont crée la « tendance », la renommée même de cette région et qui aujourd’hui se réinventent. Est-ce que sans ces vins l’image du vin italien à l’étranger serait encore le Chianti en fiasque ? Est-ce que se sont ces vins qui ont donné du potentiel à notre vignoble aux yeux du monde ?
Ce qui est sur c’est que le 13 mars dernier, à Florence, à l’Hôtel des ventes aux enchères Pandolfini, nous avons assisté a un peu d’autocélébration bien méritée de la part d’Antinori qui nous a fait déguster de vieux millésimes de ces « SuperToscans » mis aux enchères ce jour là en concomitance des dernières sorties de façon à évaluer sur le champ le test du passage du temps… des moments importants pour l’œnologie italienne qui, sur les bancs des grandes ventes aux enchères mondiales, est encore bien loin de la renommée des Bordeaux reconnus pour leur capacité de vieillissement.