Guérir de la schizophrénie n’est pas rare.
La fin de “A Beautiful Mind”, le film primé aux Oscars basé vaguement sur la vie du détenteur du prix Nobel, John Forbes Nash Jr. décrit l’émergence du mathématicien de Princeton de l’étau de la schizophrénie paranoïaque, la maladie mentale la plus redoutée et la plus handicapante. Les spectateurs qui on vu la métamorphose de l’acteur Russel Crowe entre le génie échevelé qui couvre son les murs des son bureau d’inscriptions délirante et l’universitaire aux cheveux blancs parfaitement à l’aise en la compagnie restreinte des autres prix Nobel à Stockholm peuvent croire que la guérison de Nash après trois décennies de psychose est un fait unique.
Cependant, les experts en santé mentale disent que bien que la vie de Nash est indubitablement remarquable, la guérison graduelle de sa schizophrénie ne l’est pas.
Cette affirmation va sûrement en surprendre beaucoup, y compris certains psychiatres qui continuent à croire à la théorie élaborée il y a un siècle par Sigmund Freud et ses contemporains, que ce désordre grave de la pensée de de l’humeur est une maladie dégénérative sans issue qui prive ses victimes des fonctions sociales et intellectuelles, les condamnant invariablement à une vie misérable dans un abri pour SDF, une cellule de prison ou, dans le meilleur des cas, un centre de soin.
Guérir de la schizophrénie n’est pas si inhabituel
Les chercheurs en psychiatrie qui ont suivi des patients après qu’il aient quitté l’hôpital, ainsi qu’un nombre croissant de patients guéris qui se sont rassemblés pour fonder une association d’usagers, affirment qu’une guérison telle que vécue par Nash n’est pas rare.
“Le stéréotype commun à tous à propos de cette maladie est que la guérison est impossible” a dit le psychiatre de Washington E. Fuller Torrey qui a écrit de nombreux ouvrages sur la schizophrénie, une maladie qu’il a étudiée des décennies durant et qui a affecté sa jeune sœur pendant presque un demi siècle. “Il est un fait que la guérison est plus répandue que les gens ont été amenés à le croire… mais je pense pas que quiconque d’entre nous sache combien de personnes ont guéri.”.
“Beaucoup d’entre nous qui ont parlé de notre guérison ont été confronté à l’affirmation qu’on ne pouvait pas avoir été schizophrène, votre diagnostic était certainement faux” a ajouté Fisher, 58 ans, qui est détenteur d’un doctorat en biochimie qui étudia la médecine après ses hospitalisations.
La croyance que la guérison de la schizophrénie est un fait rare est contredit par au moins sept études de patients qui ont été suivi pendant plus de vingt ans après leur sortie de l’hôpital psychiatrique aux États-Unis, en Europe occidentale et au Japon. Dans des articles publiés entre 1972 et 1995, des chercheurs ont découvert qu’entre 46 et 68 pour cent des patients était soit complètement guéris, il n’avaient plus aucun symptôme de maladie mentale, ne prenaient aucun médicament psychotrope, travaillaient et avaient des relations normales ou étaient, comme John Nash, très amélioré mais handicapé dans une fonction.
Bien que les patients consommaient des traitements variés, les chercheurs émettent l’hypothèse que l’amélioration peut être le résultat d’une faculté de gérer la maladie qui vient avec l’âge associée au déclin naturel, commençant au milieu de la quarantaine, des substances chimiques cérébrales qui peuvent être liées à la schizophrénie.
“Une des raisons pour lesquelles personne ne sait rien de la guérison est que la plupart des gens ne disent rien à cause de la trop grande stigmatisation”, a dit Frederick J. Frese III, 61 ans, qui a été hospitalisé à dix reprises dans sa vingtaine et dans sa trentaine.
En dépit de sa maladie, Frese qui considère qu’il n’est “certainement pas complètement guéri mais en très bonne forme”, a obtenu un doctorat en psychologie et a été directeur de psychologie pendant quinze ans à l’hôpital psychiatrique Western Reserve en Ohio, le plus grand hôpital psychiatrique de l’état. Frese occupe des postes d’enseignant universitaire à l’université de Case Western Reserve et à l’école de médecine Northern Ohio Universities.
Il est marié depuis 25 ans et est père de quatre enfant, il est aussi président de l’association nationale d’usagers en santé mentale, National Mental Health Consumers Association,. Cette réussite est peu compatible avec le pronostic qu’on lui avait fait à l’âge de 27 a ns lorsqu’un psychiatre lui avait dit qu’il avait un “trouble cérébral dégénératif” et qu’il allait probablement finir ses jours dans l’hôpital psychiatrique de l’état où il avait été récemment assigné.
Chacun ne guérit pas de la schizophrénie
Aucun expert en santé mentale ni aucun des huit patients guéris interviewés pour cet article ne suggèreraient qu’une guérison ou seulement une amélioration significative est possible pour les 2,2 millions d’Américains affecté par cette maladie déconcertante qui frappe typiquement à la fin de l’adolescence ou au début de l’âge adulte.
Parfois, la schizophrénie qui, pense-t-on est le résultat d’une combinaison mystérieuse de facteurs biologiques et environnementaux, est tout simplement trop grave. Dans d’autres cas, le traitement a peu ou pas d’effet, rendant les personnes vulnérables au suicide qui frappe plus de 10 pour cent des patients diagnostiqués, selon des études épidémiologiques.
Pour d’autres, la maladie mentale est compliquée par d’autres problèmes graves : consommation de drogues, absence de domicile, pauvreté et un système de santé mentale de plus en plus chaotique qui promeut des consultations mensuelles de dix minutes, qui sont remboursées par la sécurité sociale, au détriment d’autres formes de traitement plus efficaces mais qui exigent plus de temps et qui ne sont pas remboursés.
L’amélioration observée chez beaucoup de patient schizophrènes alors qu’ils atteignent la cinquantaine ou la soixantaine ne concerne généralement que les symptômes psychotiques aigus telles que les hallucinations sévères ou les voix. Les patients ne recouvrent que rarement leur condition antérieure à la maladie, disent les experts et beaucoup de ceux qui sont consumés par la maladie subissent un émoussement des émotions et une apathie extrême qui caractérisent aussi la schizophrénie.
Alors qu’un nombre croissant de professionnels en santé mentale admettent que la guérison peut survenir, il n’existe aucun consensus sur les moyens de la définir ou de la mesurer. Les chercheurs adhèrent typiquement à une définition stricte de la guérison qui est le retour à un fonctionnement normal sans recours à aucun médicament. D’autres, parmi lesquels se trouvent beaucoup d’ex-patients, s’accordent sur une définition plus souple qui incluraient des personnes telles que Fred Frese et John Nash qui continuent à subir des symptômes qu’ils ont appris à gérer.
“Je dirais qu’il y a une échelle dans la gravité de la maladie et une échelle dans la guérison” dit Francien Cournos, une professeure de psychiatrie à l’université de Columbia qui dirige une clinique à Manhattan destinée aux patients atteints de maladie mentale grave. “Le nombre de personnes qui finissent par se débarrasser complètement des symptômes et qui ne rechutent pas est probablement faible. Mais nous pouvons aider tous ceux que nous soignons.”
Un pronostic inquiétant
En 1972, le psychiatre suisse Manfre Bleuler a publié une étude restée célèbre qui contredisait l’enseignement de son éminent père Eugène Bleuler, qui inventa en 1908 le terme de schizophrénie. Bleuler père, un collègue influent de Freud, pensait que la schizophrénie conduisait à une dégradation inexorable, très comparable à la démence prémature.
Son fils, curieux de l’histoire naturelle de la maladie, a suivi 208 patients qui avaient quitté l’hôpital depuis, en moyenne, vingt ans. Manfred Bleuler découvrit que 20 pour cent étaient complètement guéris et que 30 autres pour cent étaient considérablement améliorés. Dans les années suivantes, des équipes de recherche de différents pays ont confirmés ses résultats.
En 1987, le psychologue Courtenay M. Harding, alors à l’école de médecine de Yale University, a publié une série d’études rigoureuses impliquant 269 anciens résidents des pavillons reculés de l’unique hôpital psychiatrique de l’état du Vermont, où ils avaient passé de nombreuses années. Largement considérés comme ayant été les malades les plus atteints de l’hôpital, ils avaient participé à un programme exemplaire de réhabilitation sur dix ans qui incluait des logements à l’extérieur, une formation professionnelle et un traitement personnalisé.
Deux décennies après avoir treminé le programme, 97 pour cent des patients ont été interviewés par des chercheurs. Harding, une ancienne infirmière psychiatrique qui ne s’attendait qu’à des améliorations légère, a dit qu’elle a été très étonnée de découvrir qu’environ 62 pour cent furent estimés par les chercheurs complètement guéris, ils ne prenaient aucun traitement et rien ne les distinguaient de personnes sans maladie mentale diagnosticable ou qui fonctionnaient bien mais qui avaient conservé un seul trouble (ils prenaient un traitement ou entendaient des voix). Une étude comparant les patients du Vermont à un groupe équivalent du Maine, un état peu pourvu en services de santé mentale, a montré que 49 pour cent des patients du Maine étaient guéris ou améliorés de façon significative.
Aussi, pourquoi le pronostic sombre presque universel a-t-il persisté en dépit de preuves empiriques convaincantes du contraire ?
“La psychiatrie s’est toujours accrochée à un modèle médical restreint” a observé Harding qui dirige l’institut universitaire de Boston pour l’étude de la résilience humaine. “Les dictionnaires psychiatriques ne possèdent toujours pas de définition de la guérison”, mais parle au lieu de cela de rémission qui implique la présence de l’épée de Damoclès d’une maladie toujours possible, observe-t-elle.
Francine Cournos de Columbia, une interne ainsi qu’une psychiatre approuve. “Beaucoup de recherches sont réalisées dans un environnement universitaire et baeucoup de personnes observées là sont très malades” dit-elle. “Et si vous travaillez dans un hôpital de l’état, vous ne voyez que les patients les plus gravement atteints.”
Les psychiatres, traditionnellement n’ont pas fait de distinction entre symptômes et la possibilité de fonctionner, ajoute Cournos. “Il est important de se souvenir qu’il existe une différence entre les deux. Nous avons eu des patients qui étaient hyper performants et psychotiques, y compris une femme qui dirigea un programme très important mais qui, au travail, ne notait rien par écrit. Elle faisait face en mémorisant tout ce qu’elle avait à faire, ce qui étouffait les voix.”
L’histoire de deux anciens patients schizophrènes
Les vies de Dan Fisher et de Moe Armstrong illustrent les possibilités de guérir de la schizophrénie. Les deux hommes ont beaucoup de choses en commun : ils sont voisins à Cambridge, Massachussets, ils ont le même âge, ils travaillent tous deux avec des patients en psychiatrie, sont de célèbres avocats de la cause de la santé mentale et ils ont été tous deux hospitalisés pour schizophrénie. En tous points, Fisher est complètement guéri. armstrong déclare qu’il ne l’est pas.
L’odyssée inhabituelle de Fisher de schizophrène à psychiatre figure la vision la plus optimiste de la guérison.
Lors des 28 dernières années, Fisher déclare qu’il n’a pris aucun traitement. Il n’a jamais été hospitalisé depuis 1974, lorsqu’il a passé deux semaines à l’hôpital Sibley de Washington. ll est marié depuis 23 ans est père de deux adolescents et fait la navette entre le centre de santé mental de la communauté où il a travaillé comme psychiatre pendant 15 ans et le centre National Empowerment, une association sans but lucratif de patients qu’il a contribué à fonder il y a dix ans. Il y a quelques semaines, il a participé à une réunion à la Maison Blanche sur les questions de handicap.
Fisher a reçu son premier diagnostic de schizophrénie en 1969. Pourvu d’un dipôme de Princeton et d’un doctorat de l’université de Wisconsin, il était âgé de 25 ans et faisaient des recherches sur la dopamine et son rôle dans la schizophrénie au National Institute of Mental Health lorsqu’il a vécu son premier épisode psychotique.
“Je mettais de plus en plus d’énergie au travail, et je ressentais vraiment le fait que j’étais moi-même le composé chimique que j’étudiais” a déclaré Fisher, qui se souvient qu’il était désepérément malheureux alors que son premire mariage se dissolvait. “Plus je pensais que ma vie était dirigée par les composés chimiques plus j’étais suicidaire”. Il a été hospitalisé brièvement à l’hôpital Johns Hopkins, ouù son père exerçait à la faculté de médecine, on lui a donné de la Thorazine, un antipsychotique puissant et il est retourné très vite à son laboratoire.
L’année suivante, Fisher a été de nouveau hospitalisé, cette fois pour une durée de quatre mois à l’hôpital Bethesda Nava, en face de son laboratoire. Un panel de cinq psychiatres l’ont diagnostiqué comme schizophrène et il a quitté so travail. A la sortie de l’hôpital de Bethesda, Fisher a décidé qu’il devait entreprendre des changements radicaux. Il abandonna sa première carrière prometteuse de biochimiste et décida, avec les encouragements de son psychiatre et de son beau-frère médecin de devenir médecin pour aider les gens.
En 1976 Fisher a reçu un diplôme de l’école de médecine George Washington University School of Medicine puis a déménagé à Boston pour terminer un internat en psychiatrie à Harvard. Il a réussi à ses examens et commença à pratiquer à un hôpital d’état et à recevoir des patients en clientèle privée. En 1980 sa carrière d’avocat des patients débuta lorsqu’il raconta ouvertement son histoire avec la psychiatrie lors d’une émission de télé à Boston. Dix ans plus tard, il contribua à créer le National Empowerment Center, un centre de resources pour les patients en psychiatrie financé par le federal Center for Mental Health Services.
“Je suis certain d’avoir été aidé du fait de provenir d’une famille de professionnels et d’avoir suivi des études”, déclare Fisher pour citer les facteurs qui ont conduit à sa guérison. “Ce qui m’a aidé à guérir, ce n’était pas le traitement qui n’étaient qu’un outil, ce sont les personnes. J’avais un psychiatre qui croyait toujours en moi et une famille et des amis qui m’ont soutenu. Le changement de carrière et la poursuite de mes rêves de devenir médecin a été très important.”
Moe Armstrong Eagle Scout, star de football américain à l’université, Marine décoré a parcouru un long chemin depuis la décennie où il a vécu comme nomade dès l’âge de 21 ans, à la suite de son éviction psychiatrique de l’armée après avoir combattu au Vietnam.
Entre 1965 et 1975, Armstrong dit qu’il vivait à la rue à San Francisco, dans les montagnes accidentées de Columbia et à la maison parentale au sud de l’Illinois, “Où je je portais un peignoir et je déclarais à tous que j’était Saint Francis.”
Il n’a reçu aucun traitement mais a développé une addiction à l’alcool et aux drogues.
Au milieu des années 70, Armstrong a demandé un traitement psychiatrique par l’intermédiaire des vétérans du Vietnam. Il a réussi à arrêter l’alcool et les drogues et a déménagé à New Mexico où il a obtenu un diplôme de l’université, obtint un master et devint un avocat célèbre de la cause des patients.
En 1993 il a déménagé vers Boston et il est devenu directeur du service patients pour une société sans but lucratifs offrant des services aux malades mentaux. Il y a six ans, il a rencontré sa quatrième femme, qui a aussi été diagnostiquée comme schizophrène. Le couple vit dans un appartement qu’ils ont acheté il y a plusieurs années.
Pour Armstrong, chaque jour est un combat. “Je dois me surveiller en permanence” dit Armstrong, qui s’est donné du mal pour organiser une vie pour minimiser les risques de rechute. Il prend des antipsychotics, évite les films car ils le rendent surexcité et essaie de se trouver dans des environnements gentils, de soutien, d’amour.
“J’ai beaucoup plus de limitations que les autres gens et c’est très dûr” dit-il.
“Et j’ai du abandonner l’idée que j’avais que j’allais être Moe Armstrong, militaire de carrière, ce que je voulais faire. je pense que je me suis remis autant parce que je suis toujours resté le scout à l’affut des échappatoires.”
Source : Washington Post
Merci à Alain pour sa traduction.