Andrea H. JAPP – Le Brasier de Justice : 7,5/10
(Les enquêtes de M. de Mortagne, bourreau volume 1)
Un bon petit « polar » historique sans prétention
Juste un peu trop similaire aux « Mystères de Druon de Brévaux » peut-être, la célèbre trilogie d’Andrea H. Japp : même époque (XIVème siècle), même puissant méchant (Nogaret), encore un héros atypique (après la femme déguisée en homme : un bourreau).
Donc, d’ores et déjà une première observation :
Si vous avez aimé les « mystères de Druon de Brévaux », vous allez adorer « Le Brasier de Justice », qui est le premier tome d’une nouvelle série : « Les enquêtes de M. de Mortagne, Bourreau ».
L’intrigue :
Nous nous trouvons au XIVème siècle et y faisons connaissance avec un homme terrible : Hardouin cadet-Venelle, le bourreau !
L’homme qui tourmente sur demande, qui tue, qui décapite, qui torture, qui brise les os, qui allume les brasiers. C’est son métier. Un métier méprisé, qu’il exerce dans son uniforme de bourreau, en portant le masque de cuir qui lui cache le visage et qui lui permet de garder un certain anonymat.
Hardouin cadet-Venelle est fils de bourreau – c’est une charge peu convoitée qui se transmet de père en fils – et il a donc grandi ainsi. Il a appris à ne pas voir les souffrances, à ne pas voir l’humain devant lui.
Et pourtant, un jour il exécute une jeune femme, Marie de Salvin, condamnée à être brûlée vive pour avoir accusé à tort un homme de l’avoir violée.
Jusqu’au bout elle clamera son innocence.
Elle n’est pas la première, ni à clamer son innocence, ni à être innocente, mais son regard secoue le bourreau de Mortagne pour une raison qu’il ne comprend pas. Il s’interroge alors sur la Justice, avec un « J » majuscule, et est déterminé à découvrir la vérité sur ce viol de Marie, pour rétablir la balance.
Rapidement, ses interrogations le conduisent vers d’autres dossiers, qui pourraient faire suspecter que criminels courent encore après l’exécution d’un innocent, et de fil en aiguille en lui demande d’aider à trouver un terrible assassin :
A Nogent-le-Rotrou sévit depuis plus de deux ans un homme qui enlève les enfants des rues, les brutalise, les violente et les tue avant de les abandonner sur les trottoirs. Jusqu’ici un innocent a été pendu … mais le coupable court toujours.
Le bourreau se rend donc sur place, où tous ignorent quel est son métier, car malgré l’obligation de porter le blason qui trahit son appartenance à cette profession terrible, il ne l’affiche point, et nul n’a jamais vu son visage.
Or, l’enquête s’avère bien plus complexe que prévu puisque dans l’ombre des hommes haut placés guettent, tirent les ficelles, se surveillent mutuellement, tentant de tirer profit de crimes abjectes autant que de l’incompétence de ceux qui sont chargés de les éclaircir …
Un « Druon de Brévaux » plus sombre
Finissons-en avec la comparaison de la trilogie « les Mystères de Druon de Brévaux », une comparaison qui s’impose par une similarité presque effrayante, alors je me dois d’y consacrer quelques lignes : même époque, même construction des intrigues qui se chevauchent, un héros atypique, une intrigue ‘fil rouge’ qu’on suit et qui nous guidera dans le prochain volume …
Alors, en quoi ce roman s’en distingue-t-il de la trilogie ? Et bien … le héros est un homme, il ne connaît pas la médecine … mais il sait tuer, et cela de façon efficace, et même à mains nues.
Ce qui fait que nous sommes en présence d’un roman plus sombre et certainement plus violent. Le héros en vient aux mains, il se sert de sa force et de ses connaissances professionnelles terrifiantes.
Heureusement qu'il y a ce nouveau héros torturé autant que tortureur (est-ce que c’est un mot ? Mon correcteur ne souligne rien…. alors je le laisse, je ne vais pas chercher)!
Les ‘points faibles’
Et bien, ce sont quasiment les mêmes que dans … oui, vous l’avez deviné, « les mystères de Druon de Brévaux » :
- Une intrigue trop légère
J’aurais aimé une enquête un peu mieux ficelée, c’est certain. Je classe ce roman avec réticence dans les « polars historiques », puisque l’intrigue, si elle y est, est presque secondaire. Pourtant, il y avait de quoi la travailler un peu plus.
- Une présence politique trop présente – ou alors une intrigue mal structurée
Franchement, le côté « Nogaret-en-coulisses » était de trop. Juste avec l’histoire du bourreau et ses enquêtes le roman aurait pu être tout simplement excellent.
En même temps, la présence de personnages historiques « réels »aux côtés des caractères fictifsest presque indispensable autant que les évènements historiques réels qui placent l'histoire dans le temps.
C’est probablement juste la construction même qui ne me convenait pas, le lien entre les affaires était trop tiré par les cheveux. Il y a un peu de travail technique sur l’intrigue qui fait défaut.
Les points forts :
- Le style
J’apprécie le style de l’auteur, qui a l’habitude de se servir d’un langage ancien et de nous apprendre plus sur l’histoire des mots, des expressions, des détails de langage.
Cela me donne l’impression de m’instruire, même si ce sont souvent les mêmes références qui reviennent. C’est un peu particulier, on aime ou on n’aime pas.
- Le héros
Le caractère de Hardouin cadet-Venelle, le bourreau, me plaît, c’est clair.
J’ai beaucoup apprécié ce nouveau héros, déchiré entre son métier et sa conscience qui se réveille un beau matin, qui tente de faire justice alors que son métier est d’exécuter sans poser de questions, cet homme qui n’hésite pas à employer la violence pour arriver à son but, alors que parfois il va vraiment trop loin … pour une raison inexplicable on lui pardonne l’oreille coupée lors d’une interrogatoire. Peut-être parce que juste après il sauve un petit chien ?
Il est beau, séduisant, et pourtant il ne peut espérer charmer aucune femme de par son statut social.
Il est méprisé alors qu’il est très fortuné.
La mort le suit, c'est sa nature, pour lui, la pitié peut être d’étrangler à main nues.
Et là, il est amoureux d’une femme qu’il a exécutée lui-même !
Le ‘tortureur torturé’ semble effectivement convenir …
Ma difficulté:
Si j’avais lu ce roman avant la trilogie de l’auteur, j’aurais certainement donné une meilleure note. La, la similarité m’en empêche malheureusement.
Mais je vous rassure : il n’y a strictement aucun lien entre la trilogie et ce roman, aucun, ce sont des histoires totalement indépendantes.
Bref - c’est un très bon « Japp », que je conseille à tous les fans !!
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