Il est peut-être nécessaire de rappeler les faits à l’origine de la naissance de ce disque. Car Aufheben n’est pas un album du Brian Jonestown Massacre comme les autres, c’est un album de fin de vie. Comme écrit par un vieillard, ce disque semble être le testament d’Anton Newcombe qui y conjugue dedans tous ses rêves d’adolescents…. Et y délivre aussi en creux ses plus grandes psychoses.
Pour les rêves jugez plutôt : l’album a été enregistré à Berlin, la ville des fantasmes et des fractures, le lieu de retraite de Lou Reed et de Bowie et cela dans le pays qui a vu éclore le plus grand groupe pop du monde. C’est donc un album peuplé de fantômes ; de vieilles amours imaginaires ondulant entre différentes époques – toutes aussi perdues, toutes aussi vaines. Mais c’est aussi un album de réconciliation qui décrit joliment les retrouvailles discographiques d’Anton avec son faux frère Matt Hollywood, génial membre fondateur du groupe ayant toujours souffert de l’égo surdimensionné du gourou de San Francisco. Encore plus émouvant peut-être, Aufheben raconte également la rencontre spirituelle et musicale d’Anton avec son faux grand frère, Will Carruthers de Spiritualized et Spacemen 3, sûrement un de ses derniers modèles vivants.
Il est cependant très étrange d’écouter encore un album du Brian Jonestown Massacre car ce groupe semble à jamais touché par le sceau de l’anachronisme. Véritablement découvert par le biais de l’un des meilleurs documentaires rock de tous les temps, Dig, le groupe avait alors déjà perdu de sa superbe. Anton était devenu adipeux et grisonnant, amorphe, et semblait surtout s’être égaré dans des expérimentations bizarres où trop d’instruments, trop de pédales et trop de drogues se mélangeaient. Ce qui était triste, c’est que la créativité du musicien ne se s’était jamais tarie mais semblait simplement toujours plus en décalage avec les désirs d’un public à la recherche d’un nouveau Take It From The Man, le chef-d’œuvre du groupe sorti des années auparavant dans l’indifférence générale. Désormais, même ce public nostalgique des premières sorties du groupe semble s’être détourné du Brian Jonestown Massacre. Célèbre et admiré comme référence ultime des années 1990, Anton Newcombe est dans l’imaginaire collectif moins considéré comme un musicien actif que comme un anti-héros tragique. Une figure de la solitude et de l’échec du génie.
Alors qu’est-ce qui change avec Aufheben ? Qu’est-ce qui fait que cet album devrait être écouté un peu plus que les autres ? Pas grand chose en fait. Il y a dans ce disque, comme dans les derniers du groupe, des choses hermétiques et à la lisière du non-sens en terme de production : des plages longues de flûtes traversières, des introductions décevantes, des phases ronflantes. Pourtant, il y a aussi quelque chose qu’il serait dommage de négliger. Il y a ce voile, cette sensation floue et glissante qui nimbe toutes les chansons. Et ce quelque chose sans nom est peut-être de l’ordre de la nostalgie ou de la résignation. Les titres de Aufheben sont langoureux, ils semblent ancrés dans un temps mortel mais tentent également avec beaucoup d’humilité de dilater ces minutes si courtes, ces secondes déjà perdues. L’album a une poésie de la durée et lorsque la mort arrive tranquillement à la fin des onze titres, cette mort a des couleurs douces et tendres.
Vidéo
Tracklist
Brian Jonestown Massacre – Aufheben (Cargo records, 2012)
01. Panic In Babylon
02. Viholliseni Maalla
03. Gaz Hilarant
04. Illuminomi
05. I Wanna To Hold Your Other Hand
06. Face Down On The Moon
07. Clouds Are Lies
08. Stairway To The Best Party
09. Seven Kinds Of Wonderful
10. Waking Up To Hand Grenades
11. Blue Order New Monday