Interrogé sur les révélations de Mediapart la veille sur CANAL+, Nicolas Sarkozy a eu des mots très durs et violents. Qualifiant d'infamie l'accusation étayée par une lettre du patron des services secrets libyens à Bachir Saleh, patron d'un fonds souverain libyen, qu'il aurait bénéficié de 50 millions d'euros de donations par les autorités libyennes en 2007, il avait accusé le site d'information d'être une « officine au service de la Gauche ».
Assez vite, le Figaro publia des prétendues révélations sur DSK, des extraits d'une audition vieille de 5 semaines qui, comme par hasard surgissait ce dernier weekend d'entre-deux tours.
Qui était l'officine de qui ?
Le séisme Mediapart
Mediapart avait livré ses révélations samedi 28 avril, dans la matinée. Un article, rédigé par Fabrice Arfi et Karl Larske, que le site payant avait choisi de publier en libre accès. La déflagration fut suffisamment grave pour déclencher une batterie de contre-feux médiatiques.
Officine (définition du Larousse):Dès samedi, il y eut cette video figurant les « soutiens » étrangers de François Hollande: George Papandreou (accusé d'avoir commis la faillite de la Grèce alors que celle-ci était l'oeuvre de son prédécesseur conservateur), José-Luis Zapatero, et même le ministre iranien des affaires étrangères et le secrétaire général du PC ... russe. Pour un peu, il manquait le nouveau dictateur de Corée du Nord ! L'ignominie était totale.
- Local où les médicaments sont préparés, conservés et distribués au détail par le pharmacien, et où on procède à l'exécution des ordonnances médicales ; pharmacie.
- Endroit où s'élabore quelque chose de secret, de nuisible, de mauvais : Une officine d'espionnage.
Dimanche matin, le Monarque lui-même répondit avec gravité aux accusations, ... sans rien dire. Il dénonça l'infamie, le « faux », avant de porter plainte, le lendemain, avant vendredi contre Mediapart. On savait qu'il n'en ferait rien, une telle plainte risquant d'ouvrir justement un cas judiciaire qu'il voulait à tout prix éviter.
Dans l'après-midi de dimanche, le destinataire dudit courrier libyen, Bachir Saleh, nia l'avoir reçu. Certains criaient victoire. Patatras! Bachir Saleh, ancien dirigeant libyen recherché par Interpol vivait sous protection policière... française. François Fillon tenta bien d'arguer qu'il avait un passeport nigérian, c'était faux, le passeport nigérian de Saleh avait été annulé en mars. Patatras! Pire, Le Canard enchaîné avait ajouté d'autres révélations: d'après l'hebdomadaire, l'ambassadeur de France en Tunisie, Boris Boillon, aurait veillé à l'exfiltration de Libye dudit Saleh « dans un jet privé appartenant à l'homme d'affaires Alexandre Djouhri. »
La réplique du Figaro
Pour Sarkozy, il fallait donc faire diversion, coûte que coûte. La grosse riposte fut pour le début de soirée, dans les colonnes du... Figaro. Le quotidien de Serge Dassault, dont la rédaction est dirigée par Etienne Mougeotte, publia de larges extraits ... des procès verbaux des auditions de Dominique Strauss-Kahn devant les juges dans le cadre de l'instruction de l'affaire du Carlton de Lille. Rien que cela ! Mais que faisait la police ?
On se souvient qu'en juillet 2010, l'ami d'enfance et patron de la Police nationale Frédéric Péchenard avait ordonné à Bernard Squarcini, directeur de la DCRI, d'espionner deux journalistes du Monde pour retrouver la source des fuites qui avaient permis au quotidien Le Monde de publier des extraits de procès-verbaux de l'audition de l'une des protagonistes clés de l'affaire Bettencourt. Un scandale qui valut une mise en examen à Squarcini lui-même.
Cette fois-ci, n'espérez pas que nos service secrets se plongent dans les fadettes de Marie-Amélie Lombard, la journaliste du Figaro qui publia le dit article sur DSK. Une première version de l'article fut mise en ligne à 19h39, puis actualisée à 23h38.
Il y avait évidemment de tout, sur une grande page, d'extraits de dialogue avec les magistrats aux SMS échangés entre DSK et ses compagnons de soirées. On citait Jade, Mounia, l'ineffable Fabrice Paszkowski, etc. On évoquait les soupçons de prostitution, de proxénétisme, de trafic d'influence. Tout y était. L'un des avocats de DSK dénonça la manoeuvre évidemment électorale: « Le journal de Serge Dassault, fidèle à sa ligne éditoriale, publie ces procès-verbaux entre les deux tours. C'est cousu de fil blanc, personne ne sera dupe ».
L'audition de DSK détaillée dans les colonnes du Figaro datait du 26 mars dernier. Pourquoi le Figaro avait-il ainsi tardé ? On arguera que la journaliste venait sans doute d'obtenir les dits PV d'audition. On n'imagine pas que le journal ait attendu ce dimanche-là pour publier l'information s'il l'avait plus tôt ? Qui lui avait donné, ce dimanche 29 avril 2012 ? Répétons la question: qui avait donné les PV d'auditions au Figaro ce dimanche 29 avril ?
Sarkozy, en boucle à Avignon
Lundi après-midi, un élu écologiste révélait que notre Monarque avait commandité quelque 264 sondages pendant les deux premières années de son mandat. Le tout pour 6,35 millions d'euros. L'élu avait dû recourir à une injonction de la justice pour obtenir les documents justificatifs. L'un de ces sondages visait même à tester l'opinion sur son remariage avec Carla Bruni.
Le candidat du peuple, ennemi des élites et proche du terrain, passait ses semaines à décortiquer des études financées par le contribuable sur son sort électoral, avec 4 ans d'avance !
En Avignon, où il se déplaçait ce mercredi veille de 1er mai, Nicolas Sarkozy semblait épuisé. Quelques heures avant, il y avait eu quelques échauffourées, à Chateaurenard sur le passage de Sarkozy.
Sur l'estrade, il faisait chaud. Sarkozy avait la voix rauque d'un gars trop fébrile. Il avait la chemise trempée. Son discours était connu, tout était bon pour la surenchère de la dernière ligne droite: « moi, je n'accepterai jamais l'euthanasie ». Sur la dépénalisation du cannabis, « je laisse à Monsieur Hollande et ses amis ces idées-là ». C'était fin. Et quand il déclama « Je ne ferai pas peur, je ne dirais rien de mal. », c'était pour mieux relancer l'assistance, c'en était presque drôle: « Mais, regardez ce qui arrive à un grand pays voisin et ami de la France, l'Espagne, après 7 années de gouvernement socialiste !» Tout en finesse.
Après la Marseillaise de conclusion, il termina évidemment par son habituelle boutade: « vous êtes ininfluençables! Vous êtes indécourageables! Vous êtes le peuple de France ! »
Sa voix sonnait étrange.
S'épargnait-il avant son meeting du 1er mai, quelque part dans le 16ème arrondissement de Paris ?
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