Dimanche 29 avril 2012, Salon du Livre de Genève, fin de matinée, je me rends au stand des éditions Xenia, pour voir son géant de patron, Slobodan Despot. Il n'est pas encore là. Il sera là en début d'après-midi.
Une jeune femme bien vivante est déjà là, assise devant un livre au titre insolite, Le nombre de fois où je suis morte. Le contraste est saississant entre cet auteur, Marie-Christine Buffat, et le titre de son livre. Cela me donne envie de le lire.
Souvent je me demande à quoi tient mon choix d'un livre parmi la multitude de livres qui sont publiés, d'autant que je me refuse à lire les critiques de livres avant de les avoir lus... Ce peut être une rencontre fortuite, une recommandation faite par un ami, un titre insolite justement, une attirance pour la couverture...
La couverture ne laisse pas de doute sur le thème mortel. La faucheuse apparaît sous la forme d'une petite fille accompagnée d'un petit chat. Je ne sais pas encore qu'ils sont l'illustration d'une des nouvelles intitulée Morte de peur. Car Le nombre de fois où je suis morte est un recueil de nouvelles dont les titres commencent tous par morte de...quelque chose.
La moindre des quatorze nouvelles de ce recueil n'est pas l'introduction, puisque la narratrice y raconte, à la première personne, sa défloraison par laquelle, dans la douleur, elle est morte de l'enfance et a connu le premier deuil d'une longue série, sans connaître cette première fois la petite mort.
Toutes ces nouvelles sont écrites au féminin et presque toutes, à l'exception de deux, à la première personne. Certains des titres sont des expressions déjà consacrées. D'autres ne demandent qu'à le devenir, grâce à l'auteur, qui les décline naturellement avec des mots qui expriment des passions, des sensations, des sentiments ou des émotions.
Le futur lecteur sera rassuré de savoir que la plupart du temps il ne s'agit pas de véritables morts, mais d'insatisfactions qui prennent au ventre et qui, poussées souvent à leur paroxysme, se terminent tout de même parfois par une issue fatale.
Ce recueil n'est pas pour autant morbide. Toutes ces petites filles, ces adolescentes, ces jeunes femmes et, même, cette femme au soir de sa vie sont peut-être sans illusion, mais pleines de vitalité, sans doute en raison de leurs insatisfactions qui les font mourir. Chez elles les joies et les peines, les rires et les pleurs se mêlent et se succèdent, comme dans la vraie vie.
L'auteur nous raconte le côté féminin des choses avec ses entrailles et son coeur. Elle nous parle, plus précisément, de choses très intimes, et très bien observées, de manière sensuelle et naturelle. Aussi n'est-elle pas impudique malgré parfois la violence profonde des propos et, en surface, celle des mots employés.
Le lecteur ne peut être qu'ému et édifié, dans le bon sens du terme, voire reconnaissant, pour son instruction ou sa confirmation, d'être autorisé ainsi à entrer avec elle dans de telles confidences, même s'il peut avoir l'impression dans le même temps de commettre quelque effraction.
Francis Richard
Le nombre de fois où je suis morte, Marie-Christine Buffat, 128 pages, Xenia ici