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Critique des infrastructures critiques

Publié le 30 avril 2012 par Egea

Les théoriciens du cyberespace ne cessent de nous dire que le grand danger réside dans les attaques des "infrastructures critiques". N'est-il pas temps d'interroger cette notion ?

Critique des infrastructures critiques
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1/ Prenons une définition, par exemple celle trouvée sur ce site suisse : le sérieux suisse, on ne fait pas mieux. Je cite : les infrastructures critiques " assurent la disponibilité de biens et prestations indispensables, tels l'énergie, les communications et les transports. Les défaillances d'infrastructures critiques ont en règle générale de lourdes conséquences pour la population et l'économie, et peuvent, par effet de dominos, s'étendre à d'autres infrastructures elles aussi critiques". Voici donc une définition qui part d'exemples, pour évoquer les conséquences des défaillances (ce qui désigne, semble-t-il, la criticité de ces infrastructures), sachant que ces conséquences sont que la défaillance peut s'étendre "à d'autres infrastructures elles aussi critiques". Bref, tout est critique, et le flou de la finition ne rassure pas.

2/ Sauf peut-être qu'il indique la réalité des prix. Aujourd’hui, toutes les infrastructures sont informatisées ou contrôlées par l'informatique :

  • les réseaux de distributions de flux : énergie (électricité, fuel, gaz), eau (eau potable, égouts)
  • les réseaux de flux immatériels : administratifs (impôts, état-civil, enseignement, ), communication (Internet, médias, téléphones, ...) ou bancaires (les distributeurs, les terminaux dans les magasins, les réseaux intra et interbancaires)....
  • réseaux de transport, bien sûr : transports collectifs, évidemment (trains, métro, bus, avions, ..) mais aussi individuels (contrôles des signalisation des réseaux routiers...)
  • réseaux médicaux (surveillance épidémiologique, systèmes d'alerte d’urgence)
  • réseaux de secours divers (SAMU, pompiers, police, ..)
  • réseaux de défense
  • systèmes de production (agricole ou industrielle)
  • réseaux de recherche

3/ Allons plus loin : y a-t-il encore un segment de la société qui se passe de connexion informatique ? qui pourrait fonctionner réellement et durablement "en mode dégradé" ? Non. C'est bien la nouveauté du cyberespace : il a embrassé toutes les dimensions de notre vie sociale, au point d'y être complètement fondu. Dès lors, tous les systèmes de contrôle de ces différents réseaux, qu'on dénomme habituellement SCADA (Supervisory Control And Data Acquisition : télésurveillance et acquisition de données) sont faillibles.

4/ C'est grave, docteur ?

5/ Ben non, en fait : cela nous renvoie à toutes les évolutions technologiques que nous n'avons cessé de rencontrer depuis des siècles et des décennies. Ce fut le train, ce fut l'électricité, ce furent les voitures, ce fut l'avion. Imaginez vous vivre sans train, voiture, avion, électricité ? impensable. Regardez les zones les plus saccagées par des conflits, les états les plus faillis : il y a toujours de ci de là de l'électricité, une, deux ou trois heures par jour. On ne sait comment, mais on a "le minimum". Je ne dis pas que c'est joyeux, simplement qu'on ne sait plus faire sans les technologies modernes.

6/ La conclusion est assez simple : oui, nous dépendons du cyber pour notre vie quotidienne : c'est d’ailleurs la rapidité avec laquelle le cyber a transformé nos vies qui suscite notre inquiétude à son égard. Mais comme toutes les inventions humaines, il bénéficie d'une sorte de résilience technologique qui fera que rien ne s'écroulera aussi catastrophiquement que nous le disent les pessimistes.

Bref, ce n'est pas si critique. Ça ne veut pas dire qu'il ne faut pas le protéger, ou assurer la sécurité. Mais le cyber est tellement omniprésent que "l'infrastructure critique" ne représente pas une cible "privilégiée". Car tout est cible. Donc rien ne l'est vraiment.

O. Kempf


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