Bonnot tué au siège de Choisy-le roi

Publié le 01 mai 2012 par Doespirito @Doespirito

Le siège contre Bonnot est un vaste foutoir. Vers 9h30, on se décide enfin à faire reculer la foule, dans laquelle un bon nombre de matamores s'amusaient à faire des cartons sur le garage Fromentin. Au risque de blesser des gens dans la multitude assemblée. Les gardes républicains prennent alors position et arrosent le bâtiment à la carabine. Sans grand résultat car Bonnot ne répond pas. Protégé entre deux matelas, il écrit quelques feuillets où il raconte son enfance, sa jeunesse, ses ambitions contrariées, sa haine et sa lutte à mort contre la société. Aujourd'hui, il posterait un message sur Twitter. Là, au seuil de la mort, il jette ses idées à l'encre et à la plume sur une feuille quadrillée.
«Je suis un homme célèbre, écrit Bonnot. La renommée claironne mon nom aux quatre coins du globe. La publicité faite par la presse autour de mon humble personne doit rendre jaloux tous ceux qui se donnent tant de peine pour faire parler d'eux et qui n'y parviennent pas.». Il donne une des clés de son ressentiment contre la société : «Je ne demandais pas grand chose. Je me promenais avec elle [Judith Thollon, sa maîtresse de Lyon] au clair de lune dans le cimetière de Lyon [le mari de Judith Thollon est gardien de cimetière de la Guillotère]. C'était là le bonheur dont j'avais rêvé toute ma vie, celui après lequel j'ai toujours couru et qu'on m'a volé chaque fois ».
Dehors, l'échec de la fusillade populaire puis légale étant patent, on se range à l'idée d'un garde républicain, Fontan, qui propose de faire reculer une charrette pleine de foin et bardée de matelas afin de protéger la dépose d'un explosif à mèche lente. Vers onze heures, on commence à faire reculer la charrette attelée à un cheval. Il faut dix bonnes minutes pour parvenir près du garage. Là, Fontan prépare deux cartouches de dynamite, une cartouche de cheddite et un long cordeau Bickford. Le premier essai rate : la mèche s'éteint. Fontan et son équipe recommence. L'explosion est terrible, mais le bâtiment est à peine ébréché. Troisième essai, avec une charge redoublée : cette fois, le garage s'écroule sur tout un coin, dans une épaisse fumée et un bruit assourdissant.
Alors que l'assaut est lancé par Guichard, Fontan et quelques policiers, Bonnot termine sa lettre-confession : «Mme Thollon est innocente. Gauzy est innocent. Dieudonné aussi. Petit-Demange aussi. M. Thollon aussi. Je meurs.» Et il signe «Bonnot». Les policiers tombent sur le cadavre de Dubois, mort au rez-de-chaussée. Ils montent au 1er étage, protégés par des matelas rayés. Là, ils tombent sur Bonnot, ensanglanté, râlant entre ses deux matelas. Les policiers exécutent Bonnot, qui prend six balles un peu partout dans le corps. Une des balles arrête l'aiguille de sa montre à l'heure de l'assaut final : midi moins deux. Il est encore vivant quand on le descend tel un pantin désarticulé par l'escalier extérieur.
On le charge dans une voiture avec le cadavre déjà froid Dubois. L'auto a un mal fou à se frayer un chemin à travers la populace en délire. Bonnot est frappé tout le long du chemin vers l'Hôtel-Dieu. Son visage est horriblement tuméfié quand il arrive à l'hôpital. Arrivé à 1h30 encore agité de soubresauts à l'Hôtel-Dieu, il décède un quart d'heure plus tard. La presse célèbre les héros (Fontan, Guichard...), se déchaine contre les bandits et double ses tirages pour l'occasion, publiant des photos de l'assaut, des policiers, des héros du jour, du cadavre de Bonnot et de Dubois à la morgue.
Le lendemain, on enterre Louis Jouin, mort en quelque sorte vengée par celle de Bonnot. Les corps de Bonnot et Dubois sont autopsiés, puis enterrés clandestinement au cimetière de Bagneux. Le procès des complices lyonnais de la bande commence début mai. Mais pour jouer le dernier acte de cette pièce à rebondissements, il faut encore attraper Garnier et Valet. C'est un placier en articles d'éclairage de Nogent-sur-Marne, un certain Kinable, qui dénonce par lettre à la Sûreté «des individus qui ne travaillent pas et ne sortent que le soir.» Guichard et ses hommes filent à la villa Bonhoure, 9 rue du viaduc, pour “loger” les deux derniers membres en fuite de la bande. Si le public avait aimé le siège de Choisy-le-Roi, il va adorer à la folie le siège de Nogent-sur-Marne, qui va atteindre des sommets dans le grand-Guignol tragique.