Trois beaux poèmes de Maurice Maeterlinck
Ce sont des paysages intérieurs qui s’ouvrent devant nous : “palmes lentes de mes désirs”, “tiges rouges de mes haines”, “chiens jaunes de mes péchés”, “cerfs blancs des mensonges”, “herbe mauve des absences” …
De cette poésie très chargée j’ai retenu trois poèmes, parmi les moins sophistiqués, que je trouve très beaux, et qui ne sont pas les plus connus du recueil :
Heures Ternes
Voici d’anciens désirs qui passent,
Encor des songes de lassés,
Encor des rêves qui se lassent ;
Voilà les jours d’espoir passés !
En qui faut-il fuir aujourd’hui !
Il n’y a plus d’étoile aucune :
Mais de la glace sur l’ennui
Et des linges bleus sous la lune.
Encor des sanglots pris au piège !
Voyez les malades sans feu,
Et les agneaux brouter la neige ;
Ayez pitié de tout, mon Dieu !
Moi, j’attends un peu de réveil,
Moi, j’attends que le sommeil passe,
Moi, j’attends un peu de soleil
Sur mes mains que la lune glace.
Reflets
Sous l’eau du songe qui s’élève,
Mon âme a peur, mon âme a peur !
Et la lune luit dans mon cœur,
Plongé dans les sources du rêve.
Sous l’ennui morne des roseaux,
Seuls les reflets profonds des choses,
Des lys, des palmes et des roses,
Pleurent encore au fond des eaux.
Les fleurs s’effeuillent une à une
Sur le reflet du firmament,
Pour descendre éternellement
Dans l’eau du songe et de la lune.
Intentions
Ayez pitié des yeux moroses
Où l’âme entr’ouvre ses espoirs,
Ayez pitié des inécloses
Et de l’attente au bord des soirs !
Émois des eaux spirituelles !
Et lys mobiles sous leurs flots
Au fil de moires éternelles ;
Et ces vertus sous mes yeux clos !
Mon Dieu, mon Dieu, des fleurs étranges
Montent aux cols des nénuphars ;
Et les vagues mains de vos anges
Agitent l’eau de mes regards.
Et leurs fleurs s’éveillent aux signes
Épars au milieu des flots bleus ;
Et mon âme ouvre au vol des cygnes
Les blanches ailes de mes yeux.
Serres Chaudes est paru chez Poésie/Gallimard.