Des singes paralysés de la main et du poignet ont retrouvé 80 % de leur dextérité grâce à une nouvelle neuroprothèse, commandée par le cerveau lui-même. Les chercheurs soutiennent l’idée que la technologie pourrait très vite être appliquée à l’Homme, même si quelques obstacles restent à franchir.
Pour produire un mouvement, le cortex moteur primaire du cerveau envoie un influx nerveux qui se propage le long de la moelle épinière, emprunte ensuite un nerf et se termine au niveau du muscle, lequel répond alors à l’injonction. Malheureusement, parfois, cette communication est coupée en un point et il devient impossible de produire un mouvement : c’est la paralysie.
Les scientifiques essaient de contourner le problème en mettant au point des procédés ingénieux. Parmi eux, un système permet d’ouvrir ou de fermer la main en fonction des mouvements de l’épaule, traduits en signaux électriques et envoyés jusqu’aux muscles.
Mais cela n’est pas naturel. Des chercheurs, comme ceux de la Northwertern University de Chicago, pensent qu’on peut nettement affiner les réglages. Ils viennent de tester avec succès chez le singe une nouvelle neuroprothèse capable de recréer un mouvement manuel directement à partir des informations nerveuses émanant du cerveau.
La paralysie disparaît presque quand la neuroprothèse est activée
L’expérience, publiée dans Nature, s’est déroulée en plusieurs temps. D’abord, il a fallu placer une grille d’électrodes au niveau des neurones du cortex moteur primaire du cerveau de deux macaques rhésus (Macaca mulatta), plus précisément dans la région en charge de la mobilité de la main. Ensuite, cinq électrodes ont été placées sur trois muscles du bras utilisés dans la préhension.
Grâce à ce dispositif, ils ont pu enregistrer simultanément l’activité électronique qui provenait des différentes électrodes lorsque l’un des deux sujets se saisissait d’un objet. À partir de ces données, des algorithmes de codage informatisés ont été mis au point, capables de prédire comment un signal cérébral va être traduit au niveau musculaire. Plus simplement : en voyant quels neurones s’activent, ils peuvent déterminer quels muscles vont être contractés ou relâchés. Il est alors possible de stimuler les muscles comme il convient.
Pour vérifier la pertinence de leurs calculs, la technique a été testée in vivo, sur les deux singes. En leur injectant une molécule qui bloque la communication nerveuse, les chercheurs ont paralysé temporairement leurs deux animaux au niveau du poignet et de la main. Les singes ne parvenaient plus à réussir une action qu’ils réalisaient aisément auparavant, en l'occurrence placer une balle dans un tube et obtenir en récompense du jus de fruit.
Lorsque la neuroprothèse a été activée, la dextérité des singes s’est étonnamment accrue, et leur taux de réussite à ce petit jeu est monté à environ 80 %. Les scientifiques sont donc parvenus à restaurer de la mobilité en décryptant les intentions directement dans le cerveau.
Un procédé réellement applicable tel quel chez l’Homme ?
Pour les auteurs, cet aspect rend l’étude particulièrement intéressante, car elle permet de revenir aux fondamentaux : c’est la penséequi contrôle le mouvement. Plus besoin donc de contourner le problème en esquissant un haussement d’épaule non naturel pour se saisir d’un objet. De plus, Lee Miller, qui a chapeauté cette étude, pense que le travail est assez facilement extrapolable à l’Homme. Cependant, il faudra du temps avant d’obtenir l’aval des autorités sanitaires pour tester le produit, et pour recruter des volontaires. Mais il espère avoir réuni toutes les conditions d’ici quelques années.
Tout le monde ne partage pas cet optimisme. Car la paralysie du bras, telle qu’elle existe chez l’Homme en cas de lésions à la moelle épinière, est plus complexe que ce qui est présenté ici. Davantage de muscles sont touchés, donc l’analyse des données sera plus complexe, et la coordination devra être très bien orchestrée. Cela n’effraie pas Miller pour autant, qui pense déjà améliorer son procédé en allant stimuler les nerfs contrôlant les muscles plutôt qu’en agissant au niveau des muscles eux-mêmes.