Le texte ci-dessous sur ‘les avantages du bilinguisme précoce’, a été rédigé par Maria Kihlstedt, Maître de Conférence en psycholinguistique de l’Université de Paris X Nanterre dans le cadre de ses recherches :
A l’heure de la construction européenne, personne ne conteste plus le bénéfice que constitue, pour le jeune enfant, la capacité de maîtriser plusieurs langues. D’un point de vue scientifique, les chercheurs s’accordent à penser que la construction d’un bilinguisme équilibré dépend étroitement de l’âge de démarrage – plus tôt on commence mieux c’est. Il est assez généralement admis que l’« âge critique » se situe autour de 7 ans. En effet,
ce n’est que très récemment que les avancées de la recherche en sciences cognitives – la dénomination d’un champ pluridisciplinaire de recherche très en vogue actuellement en France, regroupant des chercheurs en neurologie, psychologie, linguistique, biologie etc. – nous ont obligé à repenser certaines idées auparavant tenues pour acquises, comme par exemple la « fragilité » du cerveau de l’enfant.
Nous qui travaillons dans le domaine des sciences cognitives, ou, dans mon cas, dans la psycholinguistique, n’arrêtons pas de nous étonner de la ténacité des certains de ces idées, comme par exemple ce que l’on pourrait appeler le « mythe de la nocivité du bilinguisme », idée particulièrement tenace dans les pays occidentaux où le monolinguisme a longtemps été le modèle. Les sciences cognitives nous ont permis de lever le voile à beaucoup de phénomènes jusqu’à récemment inexplorés. Des nouveaux outils méthodologiques, comme par exemple l’imagerie cérébrale et des logiciels très sophistiqués sur la perception enfantine, ne sont qu’à leurs débuts, mais ont déjà contribué à augmenter nos connaissances.
Les avancées des sciences cognitives sur la nature du bilinguisme enfantin
On sait depuis un certain temps que le bilinguisme enfantin n’est pas l’addition des deux langues dans le cerveau de l’enfant. Il s’agit plutôt de la construction d’une capacité linguistique à deux volets. En effet, les structures du cerveau du jeune enfant sont tellement flexibles qu’il apprend aussi facilement deux ou trois langues qu’une seule, et ce jusqu’à l’age de 7 ans. A condition que les langues soient apprises ‘à l’age du langage’ (Dalgalian 2000), au moment où la plasticité cérébrale est en plein essor, il est tout aussi naturel d’apprendre une que deux langues.
Les raisons en sont d’ordre neuro-cognitif. Avant sept ans, c’est le langage comme faculté que l’enfant découvre et construit. Ce développement se fait en parallèle avec le développement cognitif général. Découvrir le monde par un ou deux voire trois volets ne change en effet pas grand-chose à l’affaire. Il est vrai que chez les enfants bi(pluri)lingues, un certain retard par rapport aux monolingues peut souvent se manifester à partir de deux ans et demi, où l’une des langues prend souvent le dessus. Cependant, ce retard peut se rattraper si l’input dans la langue « faible » continue à être riche au moment critique entre environ 2.5 et 4 ans. Il s’avère également que, qualitativement, il y a en général aucune différence entre les langues maternelles de l’enfant, pourvu que l’entourage “alimente” l’enfant dans ses deux (ou plusieurs) langues. La recherche montre clairement que les deux langues maternelles ne se disputent pas le même espace dans le cerveau. Les résultats dans ce domaine ont contribué à faire passer, une fois pour toutes, aux oubliettes l’idée qu’une deuxième langue dès le plus jeune âge s’installe au détriment de la langue maternelle.
Passé l’âge critique de sept ans, l’acquisition d’une nouvelle langue relève d’un autre processus et doit faire le détour par la langue maternelle. On pourrait dire qu’après sept ans, on n’apprend plus du langage mais des langues (Dalgalian 2000, Petit 2001). L’équipement neuronal du bilingue précoce n’est pas le même que chez un enfant monolingue.
Les langues apprises après sept ans sont stockées ailleurs dans le cerveau. Bref, pour reprendre une métaphore de Dalgalian (2000, p.23) si on a la chance de tomber comme Obélix, en tant que bébé, dans une potion magique composée de deux ou plusieurs langues, c’est-à-dire d’être plongé dans le bilinguisme dès le premiers balbutiements, on devient bilingue . C’est la présence ou l’absence d’une langue dans l’entourage qui stimule l’acquisition ou au contraire provoque la perte d’une langue. Ce qui se passe d’un point de vue neurologique, c’est que certaines connexions entre les neurones (=des synapses) sont sollicitées au moment où la malléabilité corticale du cerveau bat son plein, des connexions qui, chez des enfants monolingues, ont éte sclerosées à l’age du langage avec le résultat qu’une fenêtre cognitive s’est fermée à jamais.
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