One-man Hamlet. Un homme, Hamlet ? ou One-man (show) Hamlet ? Je pourrais ici jouer avec chacun des mots qui composent le titre du spectacle, et, en particulier, celui qui n’y est pas : show. Un homme se donne en spectacle. Il a toujours voulu jouer Hamlet. Shakespeare. Tout le théâtre s’y retrouve. Tout le théâtre lié à son époque, pas celui qui se nourrit des antiques, des tragédies, des comédies dont s’inspireront les classiques français, celui qui trouve dans son temps la matière de ses œuvres. Depuis sa chambre, depuis l’enfance, Jean-Mich rêve de traverser la Tamise et d’aller dans ce lieu, reconstruit à présent, le Théâtre du Globe, qui a vu naître les pièces de Shakespeare, dans l’odeur des tanneries toutes proches, et celle des rassemblements festifs et populaires du XVIIe siècle commençant.
Il s’invente cette traversée, avec l’air de dire qu’il n’ira pas, mais tout l’y pousse : son goût pour le théâtre qu’il fréquente assidûment en tant que spectateur, et pas seulement au Théâtre mais aussi au Cinéma, son désir de jouer, de changer de costume (chemise blanche ou maillot de corps noir), d’être cet autre, ces autres, tous les personnages, acteur, metteur en scène, personnages qui l’envahissent par l’oreille, musique venue des profondeurs…
Hamlet, prince du Danemark, dont la folie, vraie ou feinte, commence à la mort de son père. Hamlet, une histoire de fils que Jean-Mich va dérouler jusqu’à écrire à son propre père. « C’est toute l’affaire de l’art », écrit ailleurs Philippe Forest. « Qui lui permet à la fois de s’exposer au péril du vrai et de ne pas succomber à celui-ci. » (Beaucoup de jours, d’après Ulysse de James Joyce)
Pour ne pas succomber, Jean-Mich choisit l’adresse au public, les trucs du « one-man-show », où les acteurs se racontent (« Ado, je rêvais d'être acclamé dans une salle de concert. » Il s'imaginait, lui aussi, en Michael Jackson), mais il le fait avec les outils du théâtre : bouteilles à la mer, crâne de Yorick, et des musiques pas à la mode. Le résultat est parfois déroutant, parfois cultivé, souvent sensible. C’est Jean-Michel Beugnet, et ce n’est pas lui. Sur la photo de l’affiche, c’est bien lui, enfant, tenant la main de son père (« Allez Jean-Mich, vas-y, vas-y… Lâche ma main… »), mais il devient ce Jean-Mich, acteur, un autre lui-même (« Question de vie ou de mort »). Le XVIIe siècle a laissé des traces dans le théâtre, le théâtre a fait comme un creux au ventre de ce jeune homme qui nous offre aujourd’hui, les années passant, comment il a vécu avec ce creux au ventre.
Pour cela, Jean-Michel Beugnet s’est entouré de femmes : Emmanuelle Pavon-Dufaure qui a écrit le texte, Carole Rivière qui l’a mis en scène, Catherine Dufaure qui a réalisé la scénographie, Ginette Grenier les costumes. Des hommes à la technique : Vincent Greth pour les lumières et Jef Boucharenc pour les décors. Cette histoire d’homme est aussi une histoire de femme.
J'ai vu ce spectacle à la Folie-Théâtre, rue de la Folie Méricourt, à Paris, où il est présenté jusqu'au 9 juin 2012. En cliquant sur l'image, vous accéderez au site de la Compagnie.