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Cela a commencé par une déception. L’annonce que non, finalement, le nouveau film des Muppets qui avait créé l’événement aux Etats-Unis (et un peu partout dans le monde) à l’automne dernier, orchestré par Jason Segel et Nicholas Stoller (son réalisateur de « Sans Sarah rien ne va »), ne sortirait pas en salles en France. Disney l’a un temps envisagé avant de préférer le servir directement en DVD en cette première semaine de mai. Pourquoi diable ont-ils choisi de priver la France de Kermit ? Ont-ils oublié qu’ici aussi, toute une génération de spectateurs a grandi avec Miss Piggy et sa bande de marionnettes ? Ont-ils cru que c’était trop américain ? Quoi qu’il leur soit passé par la tête, ils ont à l’évidence mal pensé, et j’ai râlé plus d’une fois ici ou là sur Internet pour pester contre ce destin de direct-to-dvd réservé aux Muppets.
Jusqu’à ce qu’une blogueuse réponde à l’une de mes jérémiades par un « Bah, t’es pas invité à la projo spéciale qui a lieu au Publicis la semaine prochaine ? ». Euuuuh… non. Et voici qu’en deux temps trois mouvements, mes fesses étaient posées au sixième rang de la grande salle du Publicis, assistant à un tirage au sort pour gagner des peluches Muppets et autres goodies. Si j’aurais aimé racketter les gamins repartis avec les peluches Fozzie ou Animal, je n’en ai finalement rien fait, jouant en fin de compte le mec civilisé. Après tout, c’était pour le film que nous étions tous là (mouais, mouais…), même s’il était projeté en version française à mon grand désarroi.
Une fois tous les goodies distribués, un court-métrage « Toy Story » fut projeté en préambule, dans son doublage québécois – mais aucun accent local en vue, seulement quelque vocabulaire faisant se soulever le sourcil gauche et une prononciation de Buzz ressemblant plus à Bozz. Ce dernier, prisonnier d’un soir dans un fast-food, participait à une réunion de jouets anonymes jetés à la poubelle, et confirmait une fois de plus que Pixar s’y connaît autant en court qu’en long-métrage.
Mais ce sont bien les Muppets qui étaient les stars de la soirée. Kermit et sa bande se voyaient appelés à la rescousse par un nouveau Muppet qui apprenait par hasard en visitant les vieux studios Muppets désaffectés qu’un magnat sans scrupule était sur le point de s’en emparer et de les raser… à moins que les Muppets puissent s’acquitter des 10 millions de dollars qui leur permettraient de récupérer leur ancienne propriété. Kermit part alors sur les routes pour réunir la bande et monter un spectacle servant à lever des fonds. Après des années sans voir les Muppets, je me demandais si les aventures des marionnettes les plus célèbres de la planète me parleraient encore. Je craignais encore plus que la VF me gâche un peu le plaisir, non pas pour les voix des Muppets, mais pour celles des « vrais » acteurs, Jason Segel, Amy Adams, Chris Cooper et quelques autres, et surtout pour les numéros musicaux. Les gens de Disney auront-ils traduit et doublé les chansons, comme ils le font pour leurs films d’animation ? Malheureusement oui.
Voir Jason Segel parler en VF, c’est déjà peu agréable, mais assister à un rap de Chris Cooper avec une voix française qui ne lui convient pas du tout, c’est encore pire. Et frustrant tellement même dans un mauvais doublage, la séquence est mémorable et hilarante. Mais mes critiques à l’encontre du film s’arrêtent là. Bien sûr, la naïveté souvent étalée par le scénario est franchement kitschouille, mais dans la mesure où « Les Muppets » est un film familial s’adressant notamment aux enfants, il est difficile de vraiment faire cette reproche… Car à côté de cela, le film déborde d’une énergie et d’un humour communicatifs, et parvient à retrouver ces autoréférences constantes qui pouvaient parsemer le show à sa grande époque, notamment à travers les « papys Muppets ». Sous leur impulsion et au-delà, le scénario s’amuse à lancer des clins d’œil au spectateur en commentant l’évolution du film. « Oh non, le film sera plus court que prévu si cela continue comme ça ! ». Quand les petits peuvent s’émerveiller du premier degré, un autre niveau de lecture s’offre ainsi aux cinéphiles pour s’amuser autrement, au même titre que le défilé de stars le temps d’une micro scène souvent, de Mickey Rooney à Neil Patrick Harris en passant par Whoopi Goldberg, Alan Arkin, Emily Blunt ou Jack Black – qui a droit lui à un rôle plus costaud bien que non crédité au générique.
L’aventure du nouveau film des Muppets a donc commencé par une déception en France. Et cela sera ainsi pour tous ceux qui espéraient le voir sur grand écran. Au moins ceux qui le découvriront en DVD pourront découvrir directement le rap de Chris Cooper en VO !