Dans la lande dévastée, la Mater Obscura, mère de toutes les sorcières confie une mission au Guinea Lord, le chevalier des enfers : trouver et tuer la fée Santcus. Pour l’en empêcher, le jeune Seamus, chevalier du pardon tout juste initié, doit la retrouver avant lui…
Edité chez Dargaud,
Dessin de Philippe Delaby,
Scénario de Jean Dufaux,
Sortie le 23/03/2012 en noir et blanc, le 08/06/2012 en couleur
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Public conseillé : Adulte, plutôt masculin
Style : épopée médiévale sombre et fantastique.
Le contexte
Voici le troisième tome du second cycle de la “Complainte des landes perdues”. Commencé 20 ans auparavant, Rosinsky au dessin et Dufaux au scénario y narraient l’accession au pouvoir de la jeune Sioban, prétendante au trône des Sudennes. Cette histoire de lutte de pouvoir entre le bien et le mal prenait pour cadre une terre médiévale éloignée, nommée les “Landes perdues”. Le nouveau cycle qu’a entrepris Dufaux exploite donc cette terre éloignée pour y raconter une nouvelle épopée : celle des Chevaliers du Pardon décidés à éradiquer des terres les plus sombres sorcières, les Moriganes.
Avec ce nouveau cycle, Jean Dufaux et Philippe Delaby ont étonné. Même si le style (médiéval fantastique) et le thème (la lutte du bien et du mal) sont identiques, le traitement graphique de Delaby et les habitudes de ce duo d’auteurs à succès (voir Murena) se détachent sensiblement de la série originale.
Dès le premier tome, les rôles ont été distribués. La bataille très manichéenne à laquelle nous assistons pose des personnages stéréotypés. Du côté du “mal”, les morgannes, sorcières aux pouvoirs de destruction folle, mènent le bal. Le Guinea Lord, leur bras armé, soumis à leurs volontés, s’avère sans pitié et indestructible. Du coté du “bien” se dressent contre elles leurs ennemis de toujours, les Chevaliers du Pardon, moines guerriers à la volonté de fer. Sill Valt, un de ces preux chevaliers et son apprenti Seamus seront les héros que nous suivrons dans leurs quêtes.
Le nouvel album
Ce troisième tome débute en posant simplement l’enjeu d’une nouvelle quête. Dans une terre infernale, Le Guinea Lord vient prendre ses ordres, auprès de la Mater Obscura, la mère de toutes les morganes. Son but : retrouver la fée Sanctus, qui par sa connaissance du bien et du mal, peut en assurer la destruction.
En face du Guinea Lord, le jeune Seamus finit son apprentissage et se voit confier la même quête par son maître Still Vall : trouver et protéger la fée Morgan. S’engagent alors 2 quêtes parallèles où chaque camp utilisera ses armes et ses méthodes, fussent-elles démoniaques. Nous suivrons principalement Seamus dans sa quête initiatique, qui affrontera divers dangers (par exemple Eirell, son ancien compagnon passé du côté sombre) mais aussi ses propres doutes et ses limites intérieures.
Ce que j’en pense
Contrairement à Muréna, la série à succès de Dufaux et Delaby, la complainte des landes perdues n’a pas de base historique, dans laquelle Dufaux excelle. Sans ce cadre, il se concentre sur le développement de ces personnages très typés et sur une quête assez classique, entremêlés de moments de combats épiques. Le Guinea Lord, Seamus, et tous les personnages secondaires sont bien campés et vivants. Leurs caractères déterminés et résignés en font des archétypes de romans chevaleresques médiévaux. Aussi, peut-on percevoir une ressemblance entre le Guinea Lord et son ennemi, Seamus. Tous deux s’imposent leur devoir avant tout autre besoin ou envie (pas de famille, pas de liens, pas d’amour). Cette concordance apporte de la profondeur à ces personnages si typés.
Vous l’aurez compris, je ne suis pas vraiment surpris par l’histoire que développe Dufaux dans ce troisième tome du cycle. Je le trouve un peu linéaire, mais sa maîtrise narrative et la dramaturgie si présente en font un bon moment de lecture.
Le dessin de Philippe Delaby est pour moi un réel enchantement. Sa précision diabolique s’exprime à travers un dessin classique et grandiose. Les personnages sont expressifs, juste comme il convient, et les décors sont de toute beauté. Je ne parle que du noir et blanc, puisqu’il s’agit de l’édition grand format dont je dispose. J’en reparlerai à la sortie de la version ‘grand public’ couleur à sa sortie.
Cette quête, à travers la lande et la montagne, donne l’occasion à Philippe Delaby de dessiner toutes matières, avec une quasi perfection. La roche, le feu, la fumée, la forêt, tous les paysages naturels passent avec facilité et force sous sa plume. C’est simple : son dessin noir et blanc est un des plus aboutis que j’ai eu l’occasion d admirer. Son dessin justifie amplement la lecture de ce nouvel album.