[...]Il y a un peu moins de cinq ans, peu de temps après les élections présidentielles gagnées par Nicolas Sarkozy, Alain Badiou avait publié aux Editions Lignes, De quoi Sarkozy est-il le nom ? Il soulignait l’importance prise aujourd’hui par les affects collectifs propagés par les médias plus soucieux de spectaculaire, d’immédiateté et de culte de l’actualité que d’information.
Par définition, l’affect – la peur plus particulièrement – est sans principe, il désorganise la raison, brouille les convictions et mène au populisme et à l’apolitisme. C’est la voie suivie aujourd’hui par le candidat Sarkozy qui fait son beurre de la peur en ne craignant pas d’aller patauger dans les écuries du FN, en attisant les craintes de la société française devenue pétocharde, en stigmatisant les "élites", jetées en pâture au "peuple", en dénonçant le "système", dont on se demande bien ce qu'il est, sinon la République dont, comme Président, il devrait être le garant.
L’avertissement de Badiou mérite d’être entendu quand il affirme que la peur n’a jamais d’autre avenir que la terreur. Quelques semaines avant la Présidentielle de 2007, le philosophe pointait déjà le programme néopétainiste de Sarkozy : travail, famille, patrie. Il précisait : pétainisme et non fascisme qui est une force affirmative puisque le pétainisme « présente les abominations subjectives du fascisme (peur, délation, mépris des autres) sans son élan vital ». Depuis quelques jours, ce programme s’adresse à une nouvelle catégorie de Français baptisée la France invisible. C’est, dans la terminologie sarkozyste, le nom des sans noms, de ceux qui souffrent, nous dit-on, de ceux qui ont peur comme de ceux qui ont peur de la peur.
Je dois bien avouer que ces Présidentielles ne sont pas spécialement enthousiasmantes puisque qu’elles se déroulent dans un contexte de crise très préoccupant. Il ne faut pas un nez spécialement exercé pour flairer dans le pays comme une odeur de dépression.
Certes, Sarkozy n’a pas à lui seul le pouvoir de nous déprimer. Il est plutôt, pour suivre les développements d’Alain Badiou, le serviteur de cette Chose nauséabonde, obscène, innommable dont il est un prête-nom. Au service de la pulsion, il tord les symboles qui organisent nos représentations du monde. Ces symboles constituent l’atmosphère que nous respirons et ordonnent notre pensée. Si leur sens devient instable et flottant, il a pour effet de désorienter un certain nombre de nos concitoyens. On ne s’étonnera pas alors que 6,4 millions de Français accordent leurs suffrages à la candidate FN [...]
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