Dans un entretien accordé à Ouest-France, Nicolas Hulot propose la création d'une "troisième chambre". Une tentative nécessaire de déplacer le débat public des querelles de personnes à une discussion utile sur la réforme de l'Etat et les conditions d'élaboration du droit de l'environnement
Toute personne qui s'intéresse au droit de l'environnement et aux conditions d'élaboration de ce droit, s'intéresse aussi à la question de la réforme de l'Etat et de l'avènement, souhaité lors du Grenelle - d'une démocratie plus écologique.
Pour l'heure, c'est surtout l'application de la Charte de l'environnement qui aura permis de faire progresser le respect du principe de participation du public à l'élaboration des décisions susceptibles d'avoir une incidence pour la protection de l'environnement.
Au lendemain du Grenelle de l'environnement, l'institutionnalisation du dialogue environnemental devait être réalisée, notamment, par la création d'un "Conseil économique, social et environnemental". Cette réforme de l'ancien "Conseil économique et social" a été rendue possible aux termes de la loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Ve République.
Malheureusement, cette réforme du CESE, l'entrée de nombreux écologistes et l'élection de son nouveau président - Jean-Paul Delevoye - n'auront pas suffi pour attirer l'attention du public et des journalistes sur les travaux, pourtant souvent très intéressants, des différentes commissions du Conseil.
C'est dans ce contexte que Nicolas Hulot tente d'élever le niveau - désespérement bas - du débat suscité par la campagne présidentielle, en relançant l'idée de créer une "troisième chambre".
L'idée n'est pas nouvelle. C'est principalement Pierre Rosanvallon qui avait évoqué l'hypothèse d'une "Académie du futur" destinée à rompre avec le penchant naturel du bicamérisme pour le court termisme :
"La formation d'une "Académie du futur" pourrait aussi jouer un rôle essentiel. Composée de scientifiques, de philosophes, d'experts reconnus et de représentants des principales associations oeuvrant dans le champ écologique, elle pourrait être systématiquement consultée sur les dossiers de sa compétence et formuler des avis publics par rapport auxquels les gouvernants auraient à se déterminer. Ce serait retrouver l'idée originelle d'Académie (généralement oubliée par les instances qui se parent de ce nom !) : celle d'un corps au service de la société, exerçant une double fonction de vigilance et d'anticipation. Dans leur cas, remplir une fonction de représentation ne veut pas dire disposer d'une délégation, mais contribuer à rendre plus intelligible et plus sensible la complexité du monde, et rappeler en permanence le souci du long terme".
Le philosophe Dominique Bourg, proche de Nicolas Hulot, avait lui aussi défendu l'idée d'une chanmbre du futur, procédant d'une réforme de la chambre haute, soit du Sénat.
Nicolas Hulot vient donc de reprendre cette idée d'une "chambre du futur" au cours d'un entretien accordé au journal Ouest-France :
"Que proposez-vous pour que cela change ?
Une proposition structurante à mettre au débat ces jours-ci serait la création d'une troisième chambre qui n'ait comme critère que les enjeux du long terme : la « chambre du futur ». Pourquoi pas, comme certains le proposent, une émanation du Conseil économique, social et environnemental (CESE).
Quel serait son rôle ?
Si les décisions de l'exécutif ou du législatif compromettent les conditions d'existence de notre génération et des suivantes, cette chambre devrait, a minima, disposer d'un droit de veto constructif. Concrètement, elle pourrait interroger nos choix d'exploiter les gaz de schistes, d'encourager le modèle agricole productiviste, de favoriser les subventions à la pollution... Encore faudrait-il aussi que l'exécutif dans son ensemble soit contraint de s'y déplacer pour prendre solennellement connaissance des travaux, avec obligation d'évaluer et de commenter".
L'idée de créer une chambre du futur, en charge du long terme est certainement une bonne idée. Reste que sa mise en oeuvre s'avèrera nécessairement difficile. En premier lieu, il conviendra de savoir si cette académie du futur doit procéder d'une réforme du Sénat ou du CESE. En clair : conservons nous deux ou trois chambres ?
En second lieu, il sera sans doute bien délicat de réformer le Sénat ou même de lui imposer une institution qui pourrait être vécue comme concurrente, à savoir un CESE réformé.
Le débat sur la réforme de l'Etat ne saurait toutefois se limiter à la création d'une chambre du futur. Qu'il s'agisse de la création d'un poste de Vice premier ministre ou de Vice président en charge du développement durable, de l'avenir du superministère de l'écologie créé en 2007 et étendu en 2008, des travaux du Comité permanent du Grenelle, de l'élaboration des décrets d'application des lois Grenelle 1 er 2 ... tous ces sujets mériteraient d'être étudiés et débattus.