Il se nomme Oussama Kandar, il est d’origine baloutche. C‘est un homme plus grand que la moyenne, sec, pieux musulman mais à l’esprit ouvert. Il a été formé à Moscou, juste avant l’arrivée des Russes. Il est le patron de la brigade criminelle de Kaboul, un bon flic qui œuvre avec des moyens limités. Un ancien combattant, un sniper qui a gardé toute son habilité au fusil à lunette. Comme il se refuse à empocher des pots de vin, il habite avec son épouse Malalai, gynécologue, une maison située dans un quartier pauvre de la capitale afghane. On va le mettre sur l’enquête du pseudo-suicide d’un intermédiaire expert en corruption, mais tout le monde – en particulier le ministre afghan de la Sécurité – va lui mettre des bâtons dans les roues.
A des milliers de kilomètres, en Suisse, le directeur financier d’une importante firme de consulting vient de disparaître. Cette « évaporation » provoque un énorme branle-bas dans les officines spécialisées opérant à titre privé pour diverses forces en présence à Kaboul. On recherche le fugitif et surtout les dossiers qu’il aurait pu emmener avec lui. L’organisation secrète qui le traque est appelée l’Entité. De super-barbouzes, entraînés, sans aucun scrupule ni remords. Un des jeunes analystes de l’Entité, Nick Snee, se rebelle devant tant de violence …Lui aussi devient vite une cible.
Ce roman est celui d’une poursuite sans pitié, dans un pays en guerre civile ouverte, où la corruption règne au plus haut niveau d’un Etat dont l’influence se limite, grâce aux forces de la Coalition, à la région de Kaboul. Et, chose appréciable, l’auteur connaît bien son sujet, celui de l’Afghanistan où il est allé et qu’il décrit avec un réalisme saisissant, et des circuits financiers internationaux puisqu’il est un ancien haut fonctionnaire du Ministère des Finances. Deuxième bon point : la première page est celle d’une carte des régions d’Afghanistan où l’on peut situer les ethnies antagonistes : Pachtouns, Turkmènes, Baloutchs, Hazaras, Tadjiks, Nouristani …ainsi que les différentes régions d’un pays pauvre, montagneux à l’extrême, divisé par quarante années de guerres incessantes, enjeu des puissances pour ses ressources minières indispensables.
Troisième personnage incontournable de cette aventure échevelée : le mollah Bakir, tout en rondeurs, autrefois très influent du temps des talibans mais aujourd’hui brouillé avec l’inculte mollah Omar. Il sait tout, se tient au courant de tout, a conservé l’accent oxfordien de ses études scientifiques en Grande-Bretagne, et prépare le retour de la tendance modérés des talibans dès que les troupes de la Coalition se seront retirées.
Avec ce roman d’action, on comprend un peu mieux la problématique dramatique de l’Afghanistan, ses coutumes comme le devoir d’hospitalité, les formules de politesse, les rivalités de clans à l’intérieur d’une même ethnie, les circuits gangrénés du pouvoir, la situation faite aux femmes, la mécanique des attentats suicides, et, partout, la corruption, le non-droit.
A moi qui adore les polars mais qui ne suis pas familière des romans de Robert Ludlum, Tom Clancy ou de Frederick Forsyth, la plongée dans un « livre de mec » fut aussi brutale que passionnante.