Huit ans. Cela fait huit ans que Zebda avait déserté scène, plateaux-télé, et ondes radio. “Mouss”, “Madj” et Hakim avaient besoin d’un break. C’est mieux de faire ses adieux quand on est au sommet. Huit ans sont passés depuis leur « accident industriel » comme ils aiment surnommer « Tomber la chemise », le tube qui les a propulsés tout en haut de l’affiche. Revenir après tant d’années est un pari risqué.
Zebda est ancré dans les mémoires et le cœur des gens. Que passe deux, cinq ou un quart de siècle il est quasiment impossible de rayer le groupe des mémoires. Aussi quand le groupe sort de l’ombre pour remettre le pied à l’étrier, il y a forcément un peu d’appréhension et d’attente. Leur nouvel album Second Tour connait un joli succès. Album clairement politique – c’est voulu, le groupe est connu pour son engagement – il se base sur les clichés dont souffre une partie de la population française : les arabes, les noirs, les gars des cités. Zebda, fils d’immigrés algériens installés à Toulouse, est donc bien placé pour aborder le sujet sur le ton de l’humour. Toulouse. La ville qui a été dans la tourmente avec l’affaire Mohamed Merah, ce français « d’origine algérienne » comme les médias n’ont eu de cesse de le rappeler. « On a tellement souhaité que ce soit un nazi, juste pour qu’on oublie un peu les arabes » avait confié Moustapha. On dit que la France aurait peur de ces étrangers. Peur de quoi ? De l’inconnu, ou d’une autre culture qu’elle n’a pas encore très bien compris ? Zebda tente de dédramatiser, de démonter les “on-dit que” avec leur album. Ils tournent les clichés en dérision, comme celui les femmes voilées, les mosquées. Fils d’ouvriers, ils rendent hommage à cette classe populaire délaissée par les politiciens.
Oui, Second Tour est clairement un album politique, le groupe ne s’en cache pas, et le revendique. « On n’aurait pas appelé notre album comme ça si ça ne l’était pas ». Leur engagement politique ils le montrent haut et fort. Ils en sont fiers. « Oui on est de gauche, c’est de notoriété publique », assure Madjyd. Ils avaient soutenu et soutiennent encore François Hollande pendant la campagne présidentielle, si bien que le candidat du Parti Socialiste a tenu à rendre visite au groupe pendant les balances du Printemps de Bourges.
Monde rêvé.
Ce côté très politisé n’effraie-t-il pas le groupe ? Ne risque-t-il pas de perdre une partie de leur public ? Pour le groupe la réponse est négative. « Il y a une différence entre la vie d’artiste et la vie politique. En tant qu’artiste on est privilégie car on a la parole. On a le droit de parler d’un monde rêvé, d’un monde meilleur, parce que c’est ce qu’on nous réclame » explique Moustapha « Et puis on fait une différence entre la scène et le reste. Sur scène on fait de la musique » ajoute Madjyd. Vraiment ? L’engagement politique demeure, puisqu’ils annonceront en guise d’ouverture de set que leur concert sera contre le “fascisme et l’intégrisme“. Politique ou pas, le concert restera une grande fête, et même si les années ont passés, même s’ils tous “quadra et pères de famille”, leur énergie, leur enthousiasme, leur joie du live demeure intact.
Motivés.
Sur scène justement, le groupe mettra le feu. Le public, très jeune pour la plupart, chantera chacun des titres de Zebda. Aussi bien les anciens morceaux (« Y’a pas d’arrangements », « Tomber la Chemise », « Le bruit et l’odeur”, le titre écrit en réaction à un discours sur les immigrés de Jacques Chirac) que les nouveaux (« Autour de l’Eglise », « Un je ne sais quoi », « On est chez nous »). Communion totale lorsqu’ils entament le dernier titre de la set-list : “Motivés“, ce titre inspiré par le “Chant des partisans”. Le Phénix et ses 6000 personnes se transformera en véritable chorale, le poing levé. Les retrouvailles entre le groupe et le public ont été plus que chaleureuses. En guise de conclusion Mouss lancera à la foule “L’identité, c’est le mouvement et le mouvement, c’est nous. Ce soir, on se met du baume au cœur : nous aussi on est nombreux !”.