Aussi lointain qu’on s’en souvienne, et aussi surprenant que cela puisse paraître, on ne vous a pas encore parlé sur WhoTheFuckAreYou de Ty Segall. Pourtant, il est sans nul doute possible la meilleure chose qui soit arrivé au rock ces cinq dernières années. Chanteur, multi-instrumentaliste, songwriter, il est le messie du son garage/punk/lo-fi/psyché qu’on apprécie tant par ici. Et à la manière d’un Jack White en plus sous-sol, le blondinet est du genre hyperactif, enchaînant les sorties en solo ou en bande avec un talent déconcertant. Il y a bien évidemment les albums estampillés Ty Segall (dont on vous conseille le dernier bijou en date, Goodbye Bread) mais aussi les projets aux côtés d’Epsilon, The Perverts ou encore Sic Alps. Et sa toute dernière collaboration vient de sortir -un mois avant le prochain album du Ty Segall Band- en compagnie de White Fence aka Tim Presley, autre grand bonhomme de la scène garage. L’affiche a de quoi faire baver n’importe quel fan de rock garage bien crasseux.
Si on peut parfois craindre que l’addition de deux talents puissent s’annuler, elle crée ici une émulation « saine » (lire violente) entre les deux protagonistes. Ou plutôt les deux camps devrait-on dire. En effet, annoncé comme un duo, l’album rassemble tous les satellites de Ty Segall et White Fence. On retrouve le bassiste du premier, Mike Cronin, tout du long ou encore le frère du second pour le dernier morceau.
Un album entre potes donc qui sent bon le rock à papa et enregistré avant tout pour le plaisir. Ne pas chercher de ligne directrice dans les productions, ici on joue à qui maltraitera le plus sa guitare. Et l’on moins que l’on puisse dire, c’est qu’ils se donnent les moyens de leur ambition.
On a beau commencer tout en douceur sur la superbe introduction, Time, la fin du morceau donne le tempo. On va en prendre plein les oreilles. Le single I’m not a Game s’inscrit dans cette lignée également, entre lo-fi garage vintage et finition punk à souhait. On en redemande!
I’m Not a Game
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Sans surprise, l’album sent résolument la poussière, pour notre plus grand plaisir. Même le plus grand spécialiste de rock vintage se laisserait prendre à croire écouter un album des 60′s. Plus surprenant par contre, c’est le choix vocal pour l’occasion. Alors qu’on pouvait logiquement attendre Ty au micro, c’est Tim qui s’y colle le plus souvent avec sa voix nasillarde et pleurnicheuse à souhait. Et finalement, elle s’adapte parfaitement à cet univers garage. Puis, sincèrement, les parties instrumentales sont tellement prenantes que même un discours du Pape en personne passerait inaperçu.
La répartition des tâches par morceau saute également rapidement à l’oreille. On voit à peu près qui fait quoi selon la track et qui en est le patron. Par exemple, les parties un peu plus chantées et calmes sentent le White Fence à plein nez (Time, The Black Grove) tandis que les morceaux plus gras sont l’oeuvre de Segall. Et d’ailleurs c’est ce dernier qu’on retrouve au chant sur ceux-ci, comme l’excellent Easy Rider, peut être le meilleur morceau de l’album s’il fallait en choisir un et qui aurait tout à fait sa place dans la discographie du mec.
Easy Rider
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On peut dès lors parler de superposition plus que d’alchimie entre les deux mais ça serait vraiment chier dans les bottes de mémé avant de la pousser dans les orties que de pointer ceci comme un défaut. De plus, lorsque les deux arrivent à juxtaposer leur jeu, ça donne lieu à un feu d’artifice du genre avec Scissor People, crème de psychédélisme et de garage. Plaisir.
Scissor People
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A peine une demie-heure. Court mais tellement intense. Et l’album de devenir un sérieux prétendant à la fois du meilleur album rock de l’année et au meilleur album passé inaperçu… Au moins on vous aura prévenu.
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